Cet article explore les trois jalons identitaires du recours au genre [ punctuated gendering ] dans la recherche biomédicale sur les cellules souches en Californie. J’y défends l’idée selon laquelle le développement de ce secteur a eu besoin des femmes à trois reprises, mais pas de toutes les femmes à chaque fois. En d’autres termes, suivant les étapes que franchissait le développement de l’innovation autour des cellules souches, les femmes ont été sollicitées en fonction d’une perception du genre à chaque fois différente. Ainsi, il a d’abord fallu faire appel à elles en tant que citoyennes, au croisement des rapports de sexe, de race et de classe ; on a ensuite eu besoin d’elles en tant que corps biologiques ; elles ont, enfin, été sollicitées en tant que consommatrices. Le but de ce triple recours aux femmes selon des identités de genre à chaque fois spécifiques, fut d’abord d’attirer des capitaux publics et privés dans ce secteur, une fois le soutien de l’état californien garanti ; puis d’assurer l’approvisionnement de la recherche en morceaux de corps humain ; et enfin, de permettre le développement de l’économie autour de l’innovation sur les cellules souches. Cet article s’appuie sur mes précédents travaux sur la biomédicalisation et la marchandisation de la reproduction, mais il s’inscrit également dans la perspective des théories de la division sexuée du travail, et de la construction sociale du genre par la publicité et la consommation. Au croisement de ces logiques, l’innovation biomédicale apparaît donc comme un espace privilégié pour étudier le genre comme répertoire identitaire dynamique, à travers une mise en œuvre concrète de l’idée d’intersectionnalité.
Résumé Pour les sociologues, travailler sur une période historique nécessite une attention particulière au hiatus entre discours et pratiques, les premiers tendant généralement sinon à occulter, du moins à biaiser la compréhension que l’on peut avoir des secondes. L’étude des rapports sociaux de sexe et de la situation des femmes dans un champ donné présente ainsi un certain nombre de pièges, dans ce domaine, qu’il convient d’éviter en accordant toute son importance à la polysémie du concept de genre qui recouvre à la fois les différences socialement construites entre les sexes et la manière dont ces différences imprègnent les représentations. Il s’agit ainsi de revenir tant sur ces difficultés que sur un certain nombre d’idées reçues, à travers l’exemple de l’analyse des trajectoires de plasticiennes dans le champ de l’art de la première moitié du XIX e siècle.
Outre le travail de collecte et d'analyse de textes mené dans les deux volumes de Plumes et pinceaux. Discours de femmes sur l'art en Europe (1750Europe ( -1850, Dijon, Presses du réel, 2012 ainsi que dans Wendelin Guentner (dir.), Women Art Critics in Nineteenth-Century France. Vanishing Acts, Newark, University of Delaware Press, 2013, 366 p., on se permet de renvoyer, sur ce thème, à la revue de littérature proposée par Charlotte Foucher dans sa contribution à ce dossier, ainsi qu'aux articles de Heather Belnap Jensen et Juliette M. Rogers.
Après un bref historique de la catégorie des marchands de couleurs, issue d’une branche de la corporation des épiciers et apparue en tant que telle à la fin du xviii siècle à Paris, on s’intéresse, dans cet article, à leurs rapports avec les artistes et les amateurs d’art de l’Empire jusqu’à la Troisième République à Paris. On propose ensuite une typologie de ces commerçants à la fois artisans et détaillants, en fonction des produits et services qu’ils proposent, et des clientèles qu’ils visent. Enfin, une étude cartographique de leurs différentes implantations à Paris et à Tours révèle les transformations de ce commerce dans la capitale et en province au cours du siècle.
Résumé Rarement étudiée – et encore moins dans une perspective de genre –, la copie de tableaux s’apparente, à première vue, au travail dévalorisé de peintres débutants, amateurs ou ratés. Elle demeure pourtant, au XIX e siècle, une activité largement pratiquée par des peintres (hommes, mais aussi, pour une grande part, femmes) qui ne correspondent guère à cette idée du copiste « par défaut ». Activité d’autant plus centrale dans les stratégies de carrière qu’elle est alors extrêmement valorisée par le pouvoir politique, la copie reste, pour les peintres des deux sexes, une triple ressource : un revenu non négligeable, un moyen de pénétrer le monde de l’art et une source de légitimité dans les genres picturaux les plus prestigieux. Enfin, en comparant la situation des copistes femmes et hommes sous la Monarchie de Juillet, on s’aperçoit que la copie s’impose alors comme un espace professionnel original, marqué – contre toute attente – par une relative égalité entre les sexes.
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