Les régimes de visibilité et d’invisibilisation, du cacher et du montrer, sont particulièrement significatifs en matière de mort animale. S’il est fréquent de considérer l’abattage comme une ellipse entre l’animal et la viande, des pratiques comme le sacrifice ou la chasse se présentent à l’inverse comme nécessitant de rendre la mise à mort visible et attestable. Au statut de morts « bonnes à voir » ou « à cacher » s’ajoute aujourd’hui la question du traitement médiatique de la mort des animaux, dont les images possèdent un impact puissant, à l’instar des vidéos des mouvements animalistes et des reportages télévisés. L’expérience de la mort animale affecte aussi la chercheuse ou le chercheur, amené lui-même à interroger son propre rapport au fait de voir et montrer la mort animale. Au croisement de réflexions issues de nos pratiques scientifiques et d’exemples tirés d’une production audiovisuelle, littéraire et artistique foisonnante sur ce thème, nous nous interrogeons sur les différents régimes d’image des morts animales, sur les rapports entre le visible et l’invisible, le montrable et le caché.
En examinant de manière comparative le déroulement et les enjeux du sacrifice musulman dans trois contextes métropolitains différents, cet article interroge la place de la mort animale rituelle dans l’espace urbain, à partir d’exemples ethnographiques issus d’enquêtes de terrain réalisées lors de la « fête du sacrifice » en 2014. Les exemples d’Istanbul, Khartoum et Paris traduisent des perceptions, des pratiques et des gestions à la fois distinctes et comparables d’un événement rituel simultanément associé à la tradition religieuse et confronté à de profondes transformations au sein de sociétés urbanisées et globalisées. Qu’il relève d’une forme de normalité rituelle (Khartoum), d’une pratique jugée « déplacée » (Paris) ou encore d’une pratique à la fois domestiquée et controversée (Istanbul), le sacrifice en ville s’avère tout à la fois un enjeu spatial et social, économique et politique. Il offre un observatoire privilégié des représentations plurielles et croisées de la place de l’animal (et de sa mort) dans les espaces urbains.
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