En partant de la signification populaire attribuée au terme de mélange, cet article s'intéresse à la délimitation du français et du créole dans les représentations linguistiques de jeunes étudiants martiniquais ayant des pratiques langagières bilingues. Nous souhaitions notamment avoir des indices sur l'évolution du français régional qui renvoie à une nouvelle réalité aux Antilles depuis au moins deux générations avec des locuteurs ayant le français comme langue première (L1) (que ce soit comme unique L1 ou comme deuxième L1 avec le créole). En nous appuyant sur le cadre méthodologique de la linguistique perceptive, nous avons invité nos informateurs à nous proposer, par écrit, des exemples caractéristiques de productions « mélangées » français-créole qu'on retrouve dans les pratiques quotidiennes en Martinique. Notre étude se veut qualitative et propose un modèle de classification possible à partir de l'analyse des exemples récoltés dans les questionnaires. Nous avons ainsi distingué cinq phénomènes dans les réponses des étudiants appartenant à différents niveaux linguistiques : des interférences au niveau de la syntaxe, des hypercorrections au niveau de la phonologie, des alternances codiquesclairement marquées par la graphieau niveau de la syntaxe, des emprunts lexicaux et enfin des hybridations, qui peuvent être de type phonologique, morphologique et sémantique. Dans leurs représentations, les étudiants distinguent ainsi clairement deux systèmes, le français et le créole, et identifient des « mélanges » entre les deux. Il faut cependant souligner qu'il ne s'agit là ni du français standard fantasmé ni du créole basilectal, mais du créole contemporain et du français régional antillais L1.
Bien que les Antilles (Guadeloupe et Martinique) et Maurice aient fait l'objet de nombreuses publications, les variétés de français de ces deux territoires créolophones n'ont jamais été comparées de manière systématique au niveau socio-historique et linguistique. Cet article vise à combler ce manque. Nous exposons un certain nombre de traits communs et de différences sur plusieurs aspects. Nous analysons notamment : la composition socio-ethnique des populations étudiées qui découle de leur histoire respective ; le français parlé dans les deux zones et plus particulièrement la question des compétences de français L1 et L2, et dans le cas du français L1, celle des différentes variétés et de leur association aux groupes socio-ethniques -; et les caractéristiques linguistiques des variétés de français des deux régions. Sur ce dernier point, on observe des similitudes à tous les niveaux. Dans le domaine phonétique et phonologique : affaiblissement du /r/, distribution complémentaire des voyelles moyennes, etc. ; dans le domaine morphosyntaxique : non-réalisation de déterminants et de pronoms, confusion entre certains pronoms d'objet direct et indirect ainsi qu'entre certaines formes verbales, etc. ; et dans le domaine lexical/sémantique : des lexèmes communs aux deux variétés.
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