Cet article prolonge le débat ouvert dans la 30 e livraison de Questions de communication (2016) concernant la place accordée à la théorie du récit à une époque marquée par un intérêt sans précédent pour des narrations qui s'incarnent dans des formes de plus en plus diverses. Plutôt que d'entrer dans un dialogue avec chaque répondant, j'illustrerai par un exemple concret ce que j'estime être la spécificité d'une démarche qui ne considère pas la théorie du récit comme un simple outil et pour montrer les profits que l'on peut espérer tirer d'un travail de théorisation des formes narratives. Je soutiens qu'il existe deux prototypes opposés de la narrativité, qui forment deux pôles extrêmes entre lesquels se répartissent les représentations narratives suivant que ces dernières se donnent pour tâche principale d'expliquer un événement ou, au contraire, de produire une immersion dans l'expérience racontée. Ces deux prototypes narratifs seront illustrés par deux récits très différents d'un même événement dramatique. J'évoquerai rapidement l'existence d'un troisième prototype : celui du récit immergé dans l'actualité, pour lequel la distinction entre temps du discours et temps diégétique n'a pas lieu d'être. Je reviendrai en conclusion sur les perspectives qui se présentent pour une narratologie de troisième génération.Mots clés.narratologie, récit médiatique, intrigue, configuration, immersion, Bataclan échanges R. Baroni L'article de Raphaël Baroni « L'empire de la narratologie, ses défis et ses faiblesses » (30, 2016) a donné lieu à des « Échanges » (31, 2017). Il revient donc à celui-ci de répondre aux chercheur•e•s qui ont discuté ses propositions.De l'utilité de la théorie du récit pour les études narratives Cet article prolonge le débat ouvert dans la 30 e livraison de Questions de communication (voir Baroni, 2016a) concernant la place accordée à la théorie du récit à une époque marquée par un intérêt croissant pour des narrations qui s'incarnent dans des formes de plus en plus diverses, allant des franchises transmédiatiques au storytelling publicitaire ou politique, en passant par tous les genres et les formats que peuvent prendre les récits factuels ou fictionnels qui saturent nos sociétés. Plutôt que d'entrer dans un dialogue avec chaque répondant 1 , j'aimerais illustrer par un exemple concret ce que j'estime être la spécificité d'une démarche qui ne considère pas la théorie du récit comme un simple outil, mais comme un champ de recherche à développer, et pour montrer les profits que l'on peut espérer tirer d'un travail de théorisation des formes narratives. L'analyse comparée de deux traitements journalistiques des attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre 2015, qui se focalisent notamment sur l'attaque de la salle de concert du Bataclan, permettra d'éclairer les divergences formelles et fonctionnelles entre deux pôles de narrativité et de rediscuter la thèse ricoeurienne concernant l'opération de la « mise en intrigue ». J'insiste sur le fait que je n'ai aucune critique particulière à adresser à celles ...