Construire et déconstruire l'autorité en discours. Le figement discursif et sa subversion Dans cet article, nous nous intéressons aux discours d'autorité dans leur rapport à la question du figement. En effet, il nous apparaît que le figement, entendu au sens large et général que nous lui donnerons ici, participe à la capacité des discours à faire autorité, c'est-à-dire à dissuader la contradiction, à s'imposer sur le mode de l'évidence, à sembler faire consensus. En écho à l'interrogation qui est mise en discussion dans l'intitulé de ce dossier de la revue Mots. Les langages du politique, nous répondons par l'affirmative : les discours d'autorité se présentent bien comme des « discours sans éclats », au sens où, de la façon la plus littéralement formelle, ils ne présentent ni aspérité ni saillie. Les discours d'autorité sont des discours dont la linéarité a été travaillée de manière que ni l'imprévu ni les débordements n'y trouvent plus place : les discours d'autorité sont constitués, à différents égards, d'énoncés stabilisés. Selon un certain sentiment rhétorique assez partagé, l'absence de relief qui caractérise les discours d'autorité fait de ce type de production verbale des « discours sans éclat », au sens où l'absence d'aspérité confère aux discours d'autorité un aspect terne, propre à susciter l'ennui (les locuteurs parleront alors volontiers de « discours soporifiques »). Selon un autre sentiment rhétorique ordinaire, de substrat plus critique que le précédent, et qui en reprend les conclusions mais qui les dépasse, l'absence d'aspérité formelle présentée par les discours d'autorité est l'étayage, dans la langue, de leur dimension doxique au plan de l'argumentation (les locuteurs évoqueront alors des « discours anesthésiants », au sens où ils endorment l'esprit critique). Nous retiendrons les observations empiriques de ce dernier sentiment, dont nous tenterons d'expliciter le soubassement linguistiquement fondé, au moyen d'illustrations et d'exemples qui étayent notre propos. La notion de figement sera le fil conducteur de notre réflexion dans cette étude, laquelle se présente en trois temps. Dans une première partie, nous soulignons combien la notion de figement est pertinente pour appréhender les