Cet article analyse l’emprise des médias de grande diffusion sur la circulation des idées à travers le rôle de groupes sociaux et d’institutions « intermédiaires » au sens où ils assurent le passage entre des régions distinctes de l’espace social. À cette fin, nous mobilisons une enquête sur les nouveaux circuits de visibilité des idées qui se sont développés au sortir des années 1970 en associant légitimité savante et audience élargie : presse de qualité, émissions de radio et de télévision, revues intellectuelles à grand tirage, laboratoires d’idées, établissements culturels, agences de conférenciers, maisons d’édition, etc. L’exploration de ce champ nouveau montre que le circuit des conférences savantes pour le grand public y occupe la position d’un espace intermédiaire qui favorise l’accès des intellectuels aux médias et redouble leurs chances d’y faire carrière. Avec l’essor de l’idéologie du décloisonnement culturel à la fin des années 1960, le circuit des conférences a pu bénéficier de la politique d’extension du domaine culturel mise en place au début des années 1980, de l’autolégitimation offerte par une production équivoque en termes de dispositif et de contenus et, enfin, de biens propices au marketing culturel (événementiel et produits dérivés). Par ailleurs, les professionnels engagés dans l’organisation des conférences ont su mobiliser les ressources du décloisonnement culturel pour placer le monde intellectuel dans l’orbite des classements médiatiques et accroître ainsi leur pouvoir d’intermédiaires.