Raisonner à partir d’un concept de « race » en droit français

Abstract

Cet hermétisme interroge sur un rapport implicitement sélectif des juristes vis-à-vis des faits historiques antérieurs au moment 1945 32. Le droit colonial est non seulement relégué à la périphérie de la construction du droit contemporain, mais la question de la domination raciale l'est encore davantage. On doit à Charles W. Mills d'avoir mis au jour le biais quasi instinctif consistant à minorer les faits sociaux et juridiques se rapportant à la « race » aux marges de certaines disciplines 33. Pourtant, de Dareste à Lampué en passant par Maunier, Solus ou Dislère, plusieurs auteurs marquants ont produit une littérature significative sur le droit et la législation coloniale mobilisant en creux la différenciation raciale. L'intérêt pour le droit colonial s'inscrit au sein d'« une relation asymétrique » 34. Alors que le fait colonial n'intéresse que marginalement les juristes, le droit occupe dans ce même espace colonial une place prépondérante.

Mayotte : toute personne peut être arrêtée, accusée et détenue.

“…Alors qu'avant la réforme constitutionnelle de 2003, ces « adaptations » portaient, sous le contrôle strict du Conseil constitutionnel, sur les seules questions statutaires 13 , dans le contexte actuel de limitation des droits et libertés, le principe de décentralisation -pourtant pensé dans l'intérêt des collectivités territoriales -a pu justifier des ruptures d'égalité territoriale en matière d'exercice des droits et libertés. L'interprétation de l'alinéa premier de l'article 73 fait ainsi resurgir l'argument de « spécificité géographique » au fondement du caractère « dérogatoire » et « exceptionnel » du droit colonial 14 . Cette interprétation emprunte à ce droit son vocabulaire : lois « particulières », « dérogations » réglementaires.…”

“…En se substituant à la question de fond -l'égalité constitutionnelle supporte-t-elle la rupture contestée ? -, l'argument avancé détourne le regard vers une donnée géographique à prétention objective, afin de mieux voiler, comme dans le passé colonial, l'inégalité de droit ainsi établie 17 . 9 La lecture combinée de l'alinéa premier de l'article 73 de la Constitution et du principe constitutionnel d'égalité n'affaiblit pas l'argument de différenciation fondé sur les spécificités géographiques et culturelles hérité du droit colonial 18 .…”

Policing Commercial Sex in 1970s France: Regulating the Racialized Sexual Order

“…Even though selective tolerance was not in line with the republican legislation that called for, on paper, universal law enforcement, it was motivated by particularistic implementation through arguments on public order. In the context of empire, the language of universalism was contingent on geographical particularism that allowed for racial differentiation (Zevounou, 2021b). In the postcolonial context, former colonial subjects had moved into European-France as migrants, making geographical particularism obsolete in the metropole.…”

“…However, recently, interest in critical race studies and a so-called colonial turn in France have been gaining ground (Mack, 2021;Saada, 2014;Fassin and Fassin, 2013). Critical researchers on race in France have argued that French republican universalism has always coexisted with colonialism: the ideal of republican universalism was made possible through geographical particularism that renders the explicit mentioning of race invisible (Stovall and Van den Abbeele, 2003;Cooper, 2009;Zevounou, 2021b). In a recent special issue of La Revue des Droits de l'Homme [The Human Rights Review] on race and law, Zevounou (2021a;2021b) argues for the need to uncover the specific historical and contemporary mechanisms that have led to the silencing of race in French law and in the administrative apparatus in order to help understand the experiences of formerly colonized people living in the metropole.…”

“…Critical researchers on race in France have argued that French republican universalism has always coexisted with colonialism: the ideal of republican universalism was made possible through geographical particularism that renders the explicit mentioning of race invisible (Stovall and Van den Abbeele, 2003;Cooper, 2009;Zevounou, 2021b). In a recent special issue of La Revue des Droits de l'Homme [The Human Rights Review] on race and law, Zevounou (2021a;2021b) argues for the need to uncover the specific historical and contemporary mechanisms that have led to the silencing of race in French law and in the administrative apparatus in order to help understand the experiences of formerly colonized people living in the metropole. This paper contributes to this call: it gives a contextualized and historicized analysis of the construction of race in French law and law enforcement by looking at the regulation of indirectly targeted postcolonial migrants in the wake of decolonization.…”