À l'instar des historiens 1 , des sociologues et politistes 2 , les juristes 3 sont confrontés au problème de la délimitation de l'expertise. Esquiver la difficulté en rappelant que les chercheurs en sciences sociales déterminent les frontières de leur objet est une réponse paresseuse qui demeure insatisfaisante. Non seulement le flou sur les contours de l'expertise persiste alors entre les disciplines, mais il subsiste également en leur propre sein. Le droit ne fait pas ici exception : la notion d'expertise varie selon les époques, les cultures juridiques et les praticiens interrogés. Il en résulte des incertitudes, une impression de brouillage et de flou. Si l'expertise a pour objet de présenter des connaissances à des fins de décision, pourquoi ne pas considérer le juge ou l'avocat comme un expert en droit ? La théorie juridique, dans son versant doctrinal, se donne certes pour objectif, le cas échéant par des définitions stipulatives, d'ordonner et de stabiliser les notions et les catégories du droit. L'expertise reçoit ainsi une définition juridique à même de fonder un droit commun de l'expertise. Toutefois, la théorie juridique nous semble également offrir un cadre d'analyse pour approfondir la connaissance de l'expertise dans la diversité de ses manifestations 4 .La classification traditionnelle reste pourtant peu éclairante. Fondée sur le contexte de décision, elle ne distingue, pour l'essentiel, que trois catégories. L'expertise juridictionnelle prend place dans le contexte d'une décision de justice. Elle évoque un procès, actuel ou éventuel, opposant deux parties devant une juridiction. L'expertise publique -dénommée parfois de gouvernement, de