RésuméLa question du néolibéralisme et de ses conditions d’émergence est apparue explicitement dans la pensée de Foucault entre 1977 et 1979, dans ses cours « Sécurité, territoire, population » et surtout « Naissance de la biopolitique ». Cet article propose une lecture détaillée de ces deux ensembles de leçons. Après avoir exposé l’intérêt pour les sciences sociales du concept de « gouvernementalité » et proposé un bref panorama de ses usages, il montre comment Foucault l’applique pour l’étude de l’avènement du néolibéralisme. Celui-ci se caractérise par la mise en place d’une politique de société créant les conditions d’existence d’une forme idéale, parfaitement concurrentielle, de marché et d’être humain, plutôt que par des politiques de régulation par le marché ou bien de correction voire de substitution du marché. Le néolibéralisme est un art de gouverner par la mise en concurrence. Son premier terrain d’application est l’État et l’action publique elle-même. L’originalité d’une sociologie foucaldienne de l’hégémonie contemporaine du néolibéralisme consisterait, dans ce cadre, à s’intéresser spécifiquement à ses technologies sociales, à leur généalogie, leur circulation, leur hybridation et leurs effets, en particulier aux techniques intellectuelles qui autorisent à « façonner les gens » et à gouverner à distance. Développer un tel programme de recherches peut se faire grâce à l’appui de résultats déjà existants, qu’il faut maintenant relier, provenant de l’histoire et la sociologie des sciences et des sciences sociales ainsi que de l’histoire et la sociologie des politiques publiques et des instruments de gouvernement.