Si on examine la généalogie des formes narratives présentes dans le jeu vidéo, la narration historiographique pourrait sembler incongrue tant elle apparaît comme un discours d'autorité, donc peu interactif, étroitement lié au savoir et que le sens commun oppose généralement à la notion même de jeu. Il n'en demeure pas moins que les jeux vidéo se fondant sur l'Histoire sont assez nombreux et que, finalement, celle-ci offre de nombreux scénarios ludiques par leur fictionalisation, qui ont été exploités assez précocement par les concepteurs (Marti, 2016, § 21). Les rapports qu'entretiennent l'Histoire et le jeu vidéo, principalement au niveau de la narrativité et de la narration, constituent un objet d'étude original. Le récit historiographique peut être ludicisé de plusieurs façons et donner lieu à des fictions. On ne doit cependant pas considérer que cette reformulation relève purement du jeu. Par ses thématiques et ses pratiques, le jeu vidéo est une production culturelle et, à ce titre, il dépend d'un imaginaire collectif en prise avec les réalités idéologiques de son temps. Si l'Histoire « rend plus dense la fiction du jeu » (Rabino, 2013, p. 116), le modèle narratif vidéoludique peut aussi s'éloigner de la véridicité historique, créant ainsi un paradoxe qui fait parfois l'objet de débats publics dans lesquels le « roman national » n'est jamais très loin (Martin et Turcot, 2015, pp. 5-11). Si on considère que « la dimension ludique résulte d'une co-construction entre la structure de jeu et son contexte » (Genvo, 2012, p. 3), le rapport entre le ludique et la narration historique doit être examiné du point de vue des enjeux sociaux, mobilisés et mis en confrontation sous forme narrative. En ce sens, le jeu pourra être considéré comme une pratique articulant l'imaginaire social-par le recours à la fictionalisation-et la narrativisation du passé. Dans ce cadre, nous nous intéresserons à un épisode historique particulier, celui de la guerre d'Espagne (1936-1939), et à la façon dont il a été L'Histoire dans le jeu vidéo, une généalogie narrative problématique ?