Confrontée à un flux massif de réfugiés syriens depuis le début du conflit syrien, la société libanaise et les autorités doivent faire face à une transformation sans équivalent dans l’histoire récente du pays, d’autant plus brutale que les Syriens se concentrent dans les villes. De ce fait, la migration syrienne au Liban se démarque des représentations usuelles, qui associent les populations réfugiées aux installations temporaires ou aux camps de toile. L’augmentation rapide des populations urbaines (de l’ordre de 25 % en quatre ans) met à mal les infrastructures et accentue les tensions entre Libanais et nouveaux arrivants syriens. Les pouvoirs publics libanais ont pourtant tardé à réagir. Depuis 2011, le gouvernement a par exemple refusé d’accorder aux Syriens le statut de réfugié. Il leur a progressivement imposé de lourdes restrictions, les soumettant à partir de janvier 2015 au système de la kafala (parrainage) qui place tous les travailleurs migrants sous l’autorité personnelle d’un mandataire libanais. De ce fait, les réfugiés sont contraints à recourir à des stratégies d’invisibilisation dans la ville et se retrouvent souvent en situation illégale. L’article analyse les changements survenus dans les politiques migratoires opérées par le gouvernement entre 2011 et 2015, leurs effets négatifs sur la capacité des Syriens à accéder à la ville, ainsi que les transformations opérées sur l’ensemble de la vie citadine, tant pour les Syriens que pour les Libanais.