Le vécu partagé, une notion fondatrice qui appelle un consensus à actualiser

Abstract

Au Québec, à compter des années 1990, de nombreuses professions du domaine psychosocial font face à la nécessité de résoudre différents enjeux relatifs à la spécificité de leur contribution professionnelle. Très peu de connaissances scientifiques ont été produites relativement aux interrelations entre la spécificité identitaire des psychoéducateurs et des psychoéducatrices et le vécu partagé, une notion considérée comme fondatrice de cette discipline universitaire à vocation professionnelle. Dans quelle mesure le vécu partagé est-il encore le fondement de la spécificité identitaire des psychoéducateurs et des psychoéducatrices? Afin d’apporter des éléments de réponse à cette question, un devis de recherche mixte séquentiel exploratoire a été utilisé. Des entrevues semi-structurées menées auprès de 21 membres de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPPQ) ont conduit à l’élaboration d’un questionnaire traitant spécifiquement de la psychoéducation, rempli par 462 membres. La majorité d’entre eux soutiennent que le devenir de leur profession est liée à l’affirmation de sa singularité, qu’ils considèrent être le vécu partagé. Les résultats obtenus montrent que le vécu partagé dont les membres de l’OPPQ font usage dans l’exercice de leur profession ne correspond pas aux éléments constitutifs de sa définition initiale. Ils révèlent que la singularité de l’intervention psychoéducative ne repose plus sur la seule notion de vécu partagé. En bref, le consensus qui existait à l’effet de considérer le vécu partagé comme étant le socle de l’intervention psychoéducative apparait en voie de rupture.

Évaluation authentique en intervention précoce et importance de la complémentarité entre l’évaluation fonctionnelle et normative en psychoéducation

“…D'autre part, il relève que l'évaluation normative semble prendre de plus en plus place en tant que finalité sans objectif de soutenir l'intervention. Or, ces propos de Renou qui sont appuyés par des travaux récents (Daigle et al, 2018a;Daigle et al, 2018b) font écho aux insatisfactions sous-jacentes à la naissance de l'évaluation authentique. Par conséquent, il nous semble primordial de continuer à réfléchir aux possibles conséquences du délaissement de l'évaluation fonctionnelle sous l'angle de la spécificité de la pratique psychoéducative, de la rigueur professionnelle et de l'éthique.…”

“…De leur côté, Douville et Bergeron (2015) mentionnent que l'évaluation devient pour les psychoéducateurs une pratique clinique en soit. Des données récentes indiquent que les psychoéducateurs s'entendent avec un degré d'accord élevé sur le fait que l'évaluation psychoéducative est un élément distinctif de la profession (Daigle, Couture, Renou, Potvin et Rousseau, 2018a). De plus, 17,3 % (N = 462) des psychoéducateurs affirment consacrer 50 % et plus de leur temps à l'évaluation psychoéducative (Daigle, Couture, Renou, Potvin et Rousseau, 2018b).…”

Spécificité identitaire, usage du vécu partagé et exercice contemporain de la psychoéducation

“…Selon Legault (2008), les composantes symbolique et sociale de l'identité professionnelle doivent être harmonisées pour être opérantes au plan de l'accomplissement efficient des activités professionnelles. Daigle et al (2018) ont démontré que le consensus qui prévalait dans la communauté psychoéducative, à l'effet de considérer que le vécu partagé constitue le socle de l'intervention psychoéducative, apparaitrait en voie de rupture. Il y a donc lieu d'examiner l'existence d'un décalage probable entre l'usage du vécu partagé dans la pratique contemporaine et l'importance que lui accordait l'OPPQ en 2011 dans la définition de la profession.…”

“…L'identité du client est un usager. La définition contemporaine du vécu partagé (parler avec) a pour effet de considérer les échanges verbaux médiatisés par des activités réflexives entre un usager et un psychoéducateur ou entre un psychoéducateur et un autre professionnel, comme figurant des contextes expérientiels associés à un vécu partagé (Daigle et al, 2018). L'identité du client est devenue un usager ou un intervenant.…”

“…La définition initiale du vécu partagé correspond au fait qu'un psychoéducateur ou une psychoéducatrice accompagne un client vers l'atteinte d'un objectif au moyen du faire avec. Daigle (2016) et Daigle, Couture, Renou, Potvin et Rousseau (2018) ont établi deux constats indiquant que ce consensus serait en voie de rupture. Le premier concerne le fait que les psychoéducateurs tendent à substituer à la définition initiale du vécu partagé (faire avec) une définition contemporaine (parler avec).…”