Spécificité identitaire, usage du vécu partagé et exercice contemporain de la psychoéducation

Abstract

À propos de l’identité professionnelle, Vilbrod (2003) soutient que toute spécificité ne peut se révéler intemporelle et résulte de compromis rendus nécessaires par l’évolution des contextes sociétal et communautaire. Dans ce texte, les auteurs montrent que le vécu partagé, tel que conçu initialement, ne constitue plus le socle de l’intervention psychoéducative. Ils affirment que la spécificité de la psychoéducation reposerait actuellement sur un ensemble de concepts fondamentaux, au lieu du seul vécu partagé. Or, l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPPQ 2010, 2011a), définit la profession du psychoéducateur sur la base d’un accompagnement effectué dans un contexte de vécu partagé, au moyen d’activités quotidiennes ou d’activités spécifiquement planifiées, ce qui correspond à la définition initiale (traditionnelle) du vécu partagé (Gendreau, 2001; Renou, 2005, 2014). La question à l’étude est la suivante : dans quelle mesure le vécu partagé est-il encore de nos jours le fondement de la spécificité identitaire des psychoéducateurs? Deux objectifs sont poursuivis : 1) Faire état de l’usage que les psychoéducateurs font du vécu partagé dans le cadre de leurs activités professionnelles. 2) Établir dans quelle mesure la définition de la profession statuée par l’OPPQ demeure représentative de la pratique contemporaine de ses membres. Les résultats révèlent que le psychoéducateur fait très peu usage du vécu partagé. Il considère qu’il est en vécu partagé tout autant avec un intervenant qu’avec un usager. Définir la profession du psychoéducateur dans son rapport à la notion de vécu partagé, tel que défini traditionnellement, est en discordance avec l’exercice contemporain de la psychoéducation.

Évaluation authentique en intervention précoce et importance de la complémentarité entre l’évaluation fonctionnelle et normative en psychoéducation

“…D'autre part, il relève que l'évaluation normative semble prendre de plus en plus place en tant que finalité sans objectif de soutenir l'intervention. Or, ces propos de Renou qui sont appuyés par des travaux récents (Daigle et al, 2018a;Daigle et al, 2018b) font écho aux insatisfactions sous-jacentes à la naissance de l'évaluation authentique. Par conséquent, il nous semble primordial de continuer à réfléchir aux possibles conséquences du délaissement de l'évaluation fonctionnelle sous l'angle de la spécificité de la pratique psychoéducative, de la rigueur professionnelle et de l'éthique.…”

“…Des données récentes indiquent que les psychoéducateurs s'entendent avec un degré d'accord élevé sur le fait que l'évaluation psychoéducative est un élément distinctif de la profession (Daigle, Couture, Renou, Potvin et Rousseau, 2018a). De plus, 17,3 % (N = 462) des psychoéducateurs affirment consacrer 50 % et plus de leur temps à l'évaluation psychoéducative (Daigle, Couture, Renou, Potvin et Rousseau, 2018b). Selon ces auteurs, l'évaluation psychoéducative tend à prendre proportionnellement plus de place dans la pratique des psychoéducateurs ayant moins de 5°ans d'expérience comparativement à ceux ayant plus de 21 ans d'expérience, ce qui va dans le sens des propos de Renou (2014).…”

“…En fait, par des entrevues avec des proches de l'individu évalué, le psychoéducateur recueille les données. De plus, les résultats de Daigle et al(2018b) montrent que 73,5 % des psychoéducateurs n'utilisent jamais ou juste parfois le vécu partagé en évaluation psychoéducative. Par conséquent, il est possible que l'utilisation complémentaire (évaluation fonctionnelle et normative) ne soit pas toujours mise en oeuvre comme recommandé en évaluation psychoéducative (Daigle et al, 2018b).…”

L’intégration des psychoéducateurs au système professionnel québécois : histoire et perspectives

“…Il ne fait nul doute que l'Ordre contribue à l'identité professionnelle des psychoéducateurs dans sa dimension collective (Daigle et al, 2018). Avec l'intégration au système professionnel, les psychoéducateurs ont obtenu une reconnaissance légale.…”

“…Quelle place occuperont les activités réservées d'évaluation en regard de l'intervention directe et du vécu partagé? Des résultats de recherche (Daigle et al, 2018) montrent que la notion de vécu partagé demeure un point de repère pour les psychoéducateurs mais que le sens qu'ils lui accordent s'éloigne de son acception initiale. L'ajout de la fonction conseil aux mandats des psychoéducateurs questionne aussi cette référence au vécu partagé, lui donnant d'autres formes.…”