Cet article présente un cas de mobilisation contre les discriminations systémiques
envers des travailleuses procurant des services d’assistance aux personnes (en anglais,
care-workers), en grande majorité Noires et Haïtiennes, qui occupent des emplois
aux normes dégradées dans des agences de placement fournissant du personnel pour un seul
organisme parapublic. À l’intersection des mutations en cours dans la gestion de la
main-d’oeuvre et de la réorganisation de la prise en charge des services d’assistance aux
personnes, ce cas est représentatif de la façon dont se redessinent les frontières de la
relation d’emploi. Les travailleuses mobilisées étant syndiquées, il permet aussi d’explorer
un éventail d’attitudes syndicales.Une stratégie syndicale prédomine : elle consiste à défendre ou gérer la
négociation collective institutionnalisée. Elle est encouragée par un ensemble
d’institutions qui produisent des constructions contradictoires des enjeux d’égalité et du
problème des discriminations. Si ces arrangements institutionnels ouvrent une brèche aux
« innovations » patronales et confortent l’adoption de stratégies syndicales visant à
préserver la relation bilatérale d’emploi, cet article soutient que cette stratégie est
aussi symptomatique de la vision moniste avec laquelle les syndicats abordent l’effritement
du modèle dominant de la relation d’emploi, en le réduisant aux conflits d’intérêts entre
employeurs et travailleurs. Or, cet effritement est aussi le résultat des réorganisations
mutuelles et réciproques des différentes formes sociales de division du travail entre
classes, sexes et races. Mais en ne s’interrogeant pas sur ce qui a fondé le compromis de la
société salariale, soit la minoration ou l’exclusion de groupes de populations de la norme
d’emploi à temps plein et permanent, les syndicats accordent la priorité à des stratégies
qui participent, comme l’illustre le cas choisi, si ce n’est à la création de normes
discriminatoires, du moins, à la légitimation de frontières entre ceux qui ont accès à des
emplois de qualité et les autres.This article presents a case of mobilization against the systemic discrimination of
care workers, the great majority of whom are woman, black and Haitian, and who occupy jobs
with degraded standards in employment agencies that supply workers to one sole
parapublic organization. At the intersection of the ongoing changes in workforce
management and the reorganization of care management, this case is representative of how the
boundaries of the employment relationship are presently being redrawn. As the mobilized
workers are unionized, the case also allows us to explore a range of union
attitudes.A trade union strategy predominates: it consists of defending or managing
collective bargaining. It is comforted by a set of institutions th...