Dis-moi comment tu manges, je te Dirai si tu es sage. Postures et Paroles du PhilosoPhe aux banquets de Platon Dans le prologue du Banquet de Platon, l'entrée en scène de Socrate dans la salle où se déroule le banquet offert par Agathon présente plusieurs éléments textuels qui semblent l'« isoler », voire l'opposer par moments au reste de l'assemblée 1. Tout d'abord, il arrive en retard au dîner, puisqu'il est longtemps resté dehors, devant la maison, debout et immobile, à penser 2. C'est visiblement une habitude chez lui, comme l'explique le narrateur Aristodème ici même (cf. 175b1-4) et comme le dira aussi, à la fin de ce banquet, Alcibiade, qui souligne à plusieurs reprises le lien existant entre la position debout de Socrate et son activité de réflexion et de recherche 3. Ensuite, lorsque Socrate arrive, enfin, dans la salle du banquet, non seulement 1. J'avais déjà noté ces éléments textuels dans Romeri 2002a, 73-79 ; voir aussi Romeri 2002b, 52-53. 2. Voir Platon, Conv. 175a-b [c'est un serviteur qui parle à Agathon et aux autres invités présents dans la salle] : « Votre Socrate s'est retiré sous le porche de la maison des voisins et reste là debout (ἕστηκε), et, même si je l'appelle, il ne veut pas rentrer ». « C'est bizarre ce que tu racontes », répondit (Agathon), « Eh bien, va l'appeler et ne le lâche pas ! ». Et alors (Aristodème) remarqua : « Ce n'est absolument pas (bizarre), plutôt laissez-le ; en effet, c'est son habitude, parfois il se met à l'écart (ἀποστάς) n'importe où et reste là debout (ἕστηκε). Il viendra bientôt, je pense. Donc, ne le dérangez pas, mais laissez-le » (les traductions de textes grecs dans le présent article sont toutes personnelles). 3. Cette remarque se trouve à l'intérieur du récit que fait Alcibiade de l'expédition de Potidée (Conv. 220c-d) : « Il vaut la peine d'écouter ce que fit encore et ce qu'endura cet homme vigoureux (Hom., Od. IV, 242) là-bas, un jour, pendant l'expédition. Il s'était mis à méditer (ξυννοήσας) sur quelque chose au petit matin et restait là debout (εἱστήκει), poursuivant son examen (σκοπῶν). Et puisque cela n'avançait pas, il ne cédait pas, mais restait là debout (εἱστήκει) à chercher (ζητῶν). Il était déjà midi. Et les hommes l'observaient et s'étonnaient, se disant les uns aux autres que Socrate restait là debout (ἕστηκεν), en train de réfléchir à quelque chose (φροντίζων τι) depuis le petit matin. Lorsque le soir fut venu, certains de ceux qui l'avaient regardé, après avoir dîné et avoir amené leurs paillasses dehors (car c'était alors l'été), finirent par coucher au frais tout en le surveillant en même temps, pour voir s'il resterait là debout (ἑστήξοι) aussi pendant la nuit. Or lui resta là debout (εἱστήκει) jusqu'au point du jour et au lever du soleil. Ensuite, après avoir adressé sa prière au soleil, il se mit en route et s'en alla ».