Les discours agronomiques sur les engrais sont complexes : discours vantant les vertus des engrais chimiques et dénigrant les routines paysannes ou, au contraire, rejet de la chimie et promotion de la fumure organique ou, plus modérés, discours associant étroitement engrais chimiques et fumure d’origine organique. Les agronomes consacrent une très grande part de leurs écrits à cette question des engrais et traitent aussi bien des amendements et des engrais chimiques. Il s’agit alors, à travers trois exemples significatifs, de comprendre, à travers une analyse croisant l’histoire rurale, l’histoire des sciences et des techniques et l’histoire environnementale, comment les agronomes rationalisent les techniques de fertilisation des sols en s’adaptant à l’émergence de l’agrochimie au cours du xix e siècle. Le premier exemple choisi est celui de la production du salpêtre, analysée par Boussingault au début des années 1860. Le second concerne les eaux d’égout, issues des fosses de vidanges urbaines, utilisées comme engrais agricoles et étudiées par Dehérain. Enfin, le troisième est consacré, à partir des textes de Grandeau, à l’émergence des engrais chimiques et à celle de la lutte contre la fraude.