Immigration et intégration chez de jeunes croyants pratiquants montréalais : repenser la condition de minoritaire

Abstract

À partir de deux recherches ethnographiques menées à Montréal, nous comparons le rapport à l’espace public et à l’intégration de jeunes Congolais pentecôtistes et Libanais chiites croyants et pratiquants. Nous décrivons les modes d’initiation à la religion et les activités sociales et religieuses des jeunes dans des mosquées et des églises, et montrons comment les représentations qu’ils entretiennent concernant leur statut de minoritaire dans la société d’accueil influencent leur participation à la vie publique. Dans les deux cas, ces comportements politiques révèlent des définitions identitaires qui s’articulent autour de pratiques transnationales variées. Finalement, nous proposons de repenser les notions de société d’accueil, d’espace public et d’intégration en considérant le transnationalisme comme un répertoire de styles de vie, en lien avec le mode d’engagement public des groupes étudiés.Based on two ethnographic studies conducted in Montreal, we compare the relationship to public space and to the notion of integration among young Congolese Pentecostal who are religious believers and practitioners with that of their Chiite Lebanese peers. We first describe the processes of religious initiation and the religous and social activities of these young people in the mosques and churches. We show how the representations they have regarding their minority status in the host society impact their participation in public life. In both cases, their political behaviour reveals definitions of identity that hinge on different transnational practices. Finally, we revisit the notions of host society, public space, and integration by looking at transnationalism as a lifestyle that we link with young people’s mode of commitment in public life of both groups

Les jeunes qui s’affirment croyants

“…(Myriam, islam) Par ailleurs, elles peuvent s'articuler autour de l'adoption d'une attitude d'investissement encore plus accentuée dans la sphère religieuse. Les textes sacrés et les associations religieuses constituent, pour ces jeunes, différentes « sources de connaissances », c'est-àdire autant de ressources permettant de répondre aux interrogations suscitées par un contexte sécularisé les obligeant à développer un point de vue réflexif sur la religion (Le Gall, 2013 ;Mossière et Le Gall, 2012 ;Le Gall et Cadotte-Dionne, 2011). J'avais un ami du secondaire, il était athée et on avait de longs débats.…”

“…Ç a me limite dans les choix que je peux faire » (Judith, protestantisme évangélique). Si le contexte sécularisé invite à des « ajustements » de la pratique religieuse (Le Gall, 2013) notamment en soulevant des interrogations nouvelles (Le Gall et Cadotte-Dionne, 2011 ;Mossière et Le Gall, 2012), il suppose par ailleurs une négociation dans l'interaction avec l'entourage immédiat des choix relatifs aux conceptions éthiques et aux prescriptions religieuses.…”

“…[…] J’écoutais vraiment beaucoup de vidéos et je lisais des livres…j’ai commencé à regarder des vidéos sur : « est-ce que vraiment il y a des preuves scientifiques qui prouvent qu’il y a un créateur dans l’univers ? (Myriam, islam)Finalement, ces stratégies peuvent se structurer autour de la revendication d’une plus grande ouverture vis-à-vis la religion et l’expression des appartenances religieuses, comme l’observent Géraldine Mossière et Josiane Le Gall (2012). Cette voie de résistance empruntée par plusieurs jeunes croyants consiste à chercher à changer les perceptions négatives sur la religion.…”

“…Le ton des débats sur la religion, l’expression de celle-ci dans la sphère publique, de même que le déficit de connaissance sur les jeunes et la religion, rendent pertinent de chercher à comprendre l’expérience religieuse de jeunes qui adhèrent à des croyances religieuses, tout en évoluant dans un contexte fortement sécularisé. Dans la mesure où, dans ce contexte, l’adhésion religieuse et la pratique d’une religion concernent une minorité de jeunes (Gauthier et Perreault, 2013 ; Le Gall, 2013 ; Mossière et Le Gall, 2012 ; Voyé, 2008 ; Perreault, 2012, 2008 ; Warren, 2006), cet article propose d’éclairer l’affirmation croyante de jeunes croyants en questionnant notamment le rapport qu’ils entretiennent avec les jeunes indifférents à l’égard de la religion. Il interroge donc : 1) la perception des représentations sociales dominantes de la religion du point de vue de jeunes croyants ; 2) la perception de la réaction de leur entourage de vis-à-vis leur identification en tant que croyants ; 3) les stratégies déployées par ces jeunes en réponse aux représentations et réactions estimées en provenance d’autrui.…”

L’expérience scolaire d’élèves issus de l’immigration dans trois écoles pluriethniques de Montréal

“…À cet égard, plusieurs travaux adoptant une perspective critique ont montré comment les jeunes font preuve de résistance face aux divers processus structurels et institutionnels de domination et de pouvoir (culturel et social) qui les marginalisent et affectent leur expérience scolaire (Delgado et Stefanic, 1993 ;Nieto, 2009 ;Potvin, 1997 ;Solomon, 1996Solomon, , 2002. L'Enquête sur la diversité ethnique de Statistique Canada (2002 ;Reitz et Banerjee, 2007) et plusieurs études qualitatives québécoises qui ont questionné les jeunes (Mossière et Le Gall, 2012 ;Potvin, 2007 ;Livingstone, 2010) ont révélé que les jeunes de certaines minorités visibles, notamment ceux de 2 e génération, ont un sentiment de victimisation plus fort face à la discrimination que la première génération, de même qu'une appartenance plus faible envers le Canada, des attentes plus grandes quant à l'égalité sociale et au respect de leurs droits, et des tensions identitaires parfois difficiles à harmoniser. L'étude déjà ancienne de Laperrière (1989de Laperrière ( , 1989de Laperrière ( -1991, menée auprès d'adolescents sur la construction des relations interethniques dans deux écoles montréalaises, avaient aussi indiqué l'incidence du racisme perçu par les jeunes des minorités visibles dans la construction de leur identité et de leurs stratégies d'intégration.…”