L’analyse socio-anthropologique de la parenté en assistance médicale à la procréation (AMP) présuppose, qu’on le sache ou non, de donner un certain statut à l’embryon. Cependant, ce statut reste encore largement un point aveugle du débat des sciences sociales. L’anthropologie a beaucoup analysé la façon dont les techniques, et en particulier l’échographie, ont contribué à l’image de l’embryon comme « isolat », séparé en particulier du corps féminin dans lequel il était autrefois enclos et enfoui (Strathern, 1992). L’AMP, avec la congélation et la fécondation in vitro, a encore accentué cette représentation. Cependant, l’observation ethnographique des pratiques d’AMP révèle que l’embryon est en réalité toujours pris dans des réseaux relationnels (Thompson, 2005). Relations, d’une part, à des professionnels qui ont à un certain moment, du fait de leur statut, le pouvoir de sélectionner, détruire ou conserver cet embryon. D’autre part, et surtout, en référence à la parenté, à l’ensemble des personnes impliquées dans la procréation, l’engendrement ou la filiation, et qui de ce fait ont elles aussi un ensemble de pouvoirs et de devoirs à l’égard de cet embryon. Cet article s’appuie sur une enquête par entretiens semi-directifs auprès de 70 professionnels de l’AMP et a pour objectif d’analyser l’embryon en AMP grâce à une approche relationnelle inspirée de l’héritage maussien en matière d’analyse du genre et de la parenté (Théry, 2007). Cette approche permet de décrire autrement la scène de l’AMP et de comprendre comment l’embryon alterne entre diverses positions – entre enfant potentiel et pur matériau organique – selon le système de relations instituées dans lequel il se trouve inscrit. Notre hypothèse est qu’une telle approche éclaire de façons nouvelles les dilemmes parfois aigus des « parents » confrontés à l’embryon congelé hors projet et aux quatre grandes options prévues par la loi française : garder, donner à la recherche, « donner » à un autre couple ou détruire.Social anthropological analysis of family relations in assisted reproduction lends a certain status to the embryo, whether we realize it or not. Still, this status remains a weak point in social sciences discourse. Extensive anthropological analysis has been dedicated to how certain technology, especially ultrasound, has contributed to the image of the embryo as an “isolate”— a separate entity from the woman’s body in which it was formerly enclosed and embedded (Strathern, 1992). Assisted reproductive technology (ART), including cryopreservation and in vitro fertilization, has further accentuated this representation. However, ethnographic observation of ART practices reveals that the embryo is still a part of networks of relations (Thompson, 2005). On the one hand, the embryo is related to professionals who, at a given time, because of their status, have the power to select, destroy, or preserve it. On the other hand, and more importantly, it has family relations to all the people involved in its genetic reproduction, gestation, and social parenting, ...