In Figures de la psychanalyse, La psychanalyse et les mondes contemporains, n°30, 2015, pp.215-219, Eres, Ramonville-Ste-Agne.Élise Pestre Dans la clinique analytique conduite auprès de patients migrants, les incidences du déplacement donnent à saisir, dans le vif du sujet, sa division. Et quand bien même cette migration s'est avérée « forcée », c'est-à-dire prescrite depuis la scène extérieure (conflits armés, catastrophes écologiques, etc.), la présence de fantasmes de mobilité préexistants au déplacement, et liés au désir du sujet, n'est pas exclue. À l'inverse, quand elle a été « souhaitée », la migration peut se révéler très angoissante une fois « consommée ». D'une certaine façon, c'est ce que formule Nancy Huston lorsqu'elle écrit qu'« un exil peut en cacher un autre 1 ». C'est fréquemment dans l'après-coup de l'installation en terre étrangère que ces motifs latents se révèlent, voire éclatent au grand jour, au lieu même de la subjectivité, par la production singulière de symptômes.En contexte migratoire, le moi, « voile de cette division du sujet 2 », apparaît surexposé et mis en demeure de composer avec la nouvelle réalité extérieure. Il aura pour tâche première d'imposer au réservoir pulsionnel gonflé par le déplacement, le principe de réalité. Selon la métaphore freudienne, et tel « un cavalier », il devra « réfréner la force supérieure de son cheval 3 » devenu fougueux. Dans ce contexte migratoire, « les restes intraduits 4 » de l'inconscient refont plus facilement surface et acquièrent le pouvoir de détricoter le tissage qui existait -plus ou moins résistant -entre langue, verbe, lieu et corps, ébranlant ainsi en profondeur le parlêtre, tel que Lacan le désigne. Avec l'expatriation, qui implique la sortie « du pays où on est né 5 », psychisme et corps seront souvent atteints de violentes secousses.Le rapport du sujet expatrié à la langue dite maternelle et à celle dite d'adoption, donnera à voir, en particulier, les effets du déplacement sur sa subjectivité. Lorsque le sujet se sent menacé par la perte fantasmée de sa langue maternelle, celui-ci s'engage dans une destinée névrotique, dont nous développerons les nouages à travers une clinique de l'expatriation 6 . Nous verrons qu'en terre d'exil, le rapport d'aliénation du sujet à l'Autre primordial apparaît comme actualisé et exacerbé par l'écart spatial et temporel qui s'instaure.