Cet article évoque les différents développements qu’a connus en France une méthode visant une meilleure analyse de la demande sociale d’habitat : « la programmation générative » des projets. Il revient dans un premier temps sur les conditions d’émergence, les apports et les difficultés de diffusion de cette méthode mise au point par des chercheurs-praticiens du Centre scientifique et technique du bâtiment à la charnière des années 1980-1990. Basée sur un travail itératif entre programmation et conception mené par un binôme spécialiste en sciences sociales et humaines / architecte, elle visait à explorer conjointement, dans le cadre d’un dispositif concerté associant maître d’ouvrage et utilisateurs, des problématiques d’usages, d’appropriation et de gestion ultérieure des espaces. La contribution s’intéresse ensuite à la façon dont la complexification des projets architecturaux et urbains liée à la diversification des acteurs impliqués, aux incertitudes économiques fragilisant leur faisabilité, et à la montée en puissance des enjeux de développement durable, conduit ces dernières années à faire évoluer les processus opérationnels selon des modalités qui reprennent un certain nombre des principes de la méthode de programmation générative. L’article est illustré par des exemples issus de plusieurs recherches et expérimentations auxquelles l’auteure a participé, portant sur les fondements et prolongements de la méthode dans le cadre de dispositifs participatifs. Il montre ainsi dans quelle mesure la programmation, comme activité permettant à une collectivité de définir ses attendus tout au long d’un projet, peut, dans un dialogue avec la conception spatiale, conférer une dimension véritablement opératoire aux apports des sciences humaines et sociales dans le champ de la production architecturale et urbaine.