Le Mexique est dans un moment paradoxal de son histoire. La criminalité a spectaculairement progressé ces dernières années au moment où le pays fait une entrée légitime dans le cercle des nations économiquement émergentes. Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur sur l’Amérique Latine à l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), décortique ce paradoxe pour offrir une grille de lecture de la société mexicaine. Si l’accélération de la criminalité, qui trouve ses origines dans le trafic de stupéfiants, n’a guère affecté l’essor de l’économie, l’engagement militarisé du gouvernement du PAN 1 depuis 2006 a bouleversé la donne. Le cycle de violence a vu un triplement du nombre de morts violentes, affectant l’ensemble du territoire mexicain. Les acteurs de la vie économique ont tiré la sonnette d’alarme sans que le pouvoir ne parvienne à endiguer cette vague de criminalité. Prisonnier d’une stratégie de répression à l’aveuglette, sapée par le pouvoir financier des entreprises délinquantes et l’absence de coopération de la part des Etats-Unis, le PAN s’apprête à rendre le pouvoir en 2012 à ses rivaux du PRI 2 . Le PRI, qui a gouverné sans partage le pays pendant 70 ans, a sans doute les moyens politiques et « techniques » de réduire le niveau des violences en arbitrant les conflits d’intérêts. Au prix de la perpétuation d’un bouillon de culture mafieuse qui affecte la puissance publique et se nourrit des violentes inégalités sociales.