En Afrique de l’Ouest, les nouveaux modèles de collecte du lait par des unités de transformation sont le reflet des innovations technologiques et institutionnelles promues par les politiques et les projets de développement de la filière. Or, la création des centres de collecte, des minilaiteries ou d’industries laitières bouleverse l’organisation sociale traditionnelle du système laitier et contribue à une déféminisation de la filière. Certaines femmes sont dépossédées de l’activité de collecte - commercialisation et de la gestion des revenus du lait au profit des bergers ou propriétaires hommes. Ce processus est ainsi susceptible de contribuer à la perte de leur autonomie financière. Une étude de cas menée au Mali auprès de trois femmes - transformatrices, exerçant autour de la minilaiterie de Kasséla à 40 kilomètres de Bamako, a permis d’apporter un éclairage à ces évolutions. A partir de questionnaires et d’entretiens semi-structurés, l’étude a permis de mesurer le degré d’adaptation des femmes dans cette dynamique de transformation de la filière laitière locale. Face à l’émergence d’une minilaiterie gérée par les hommes, elles ont initié plusieurs mécanismes de résilience. Cela passait par l’incorporation de la poudre de lait importé, la diversification des produits qu’elles mettaient sur le marché et la fidélisation de la clientèle. Ces stratégies leur ont permis de sécuriser leurs moyens d’existence malgré la prise des parts de marché par les laiteries. Avec des techniques artisanales, chacune d’elles transformaient en moyenne 468 litres de lait par jour, soit le tiers de la production totale de la laiterie de Kasséla, avec un rapport avantage sur coût supérieur à 20 p. 100. Aujourd’hui, les projets de développement laitier tendent de plus en plus à discuter des implications sociales des innovations qu’ils proposent.