Le présent article traite de l’intersectionnalité et les droits linguistiques législatifs en Ontario et au Canada. L’argument principal évoqué porte sur la nécessité de l’analyse intersectionnelle pour assurer l’égalité réelle dans la conception et la mise en œuvre des droits linguistiques législatifs des francophones en situation minoritaire dans toute leur diversité. En gros, la Loi sur les services en français (LSF) en Ontario et la Loi sur les langues officielles du Canada (LLO) confèrent aux francophones des droits à des services gouvernementaux en français dans certains contextes. Selon la théorie de l’intersectionnalité, afin d’assurer l’égalité réelle quant aux services publics offerts dans la langue française, telle que celle garantie par la LSF et la LLO, il faut identifier, prendre en compte et affronter les formes d’oppression complexes qui marginalisent les francophones qui se retrouvent dans des positions à l’intersection d’un ou de plusieurs autres axes de domination. Ce texte vise ainsi à lancer une discussion sur la conception et la mise en œuvre des droits linguistiques législatifs à partir d’une lentille intersectionnelle. Il se décline en trois parties. La première partie explique ce qu’est l’intersectionnalité. Alors que les universitaires francophones ont adopté plus tardivement l’intersectionnalité que les universitaires de langue anglaise, l’analyse demeure complètement absente du domaine des droits linguistiques au Canada. La seconde partie aborde d’abord une discussion sur la diversité au sein de la communauté francophone en Ontario et au Canada, puis traite de certains aspects des droits linguistiques sous l’angle intersectionnel. Je commencerai par examiner brièvement certaines dispositions de la LSF et de la LLO. Dans la troisième partie, je porterai une attention particulière sur les rapports du commissaire aux services en français, du commissaire aux langues officielles et de l’adjointe de l’ombudsman chargée de certaines fonctions sous la LSF. Les rapports et recommandations ne révèlent aucune analyse intersectionnelle des enjeux de droits linguistiques législatifs. De plus, on ignore les retombées éventuelles des violations des droits linguistiques législatifs sur les francophones marginalisés par leur position à l’intersection de plus d’un axe de domination. Pourtant, à la lumière de la riche diversité qui existe au sein de la communauté francophone en Ontario et au Canada ainsi que de l’émergence récente des mouvements sociaux visant à lutter contre la discrimination intersectionnelle dans une variété de domaines de la société, il est stupéfiant que les termes « genre », « race », « handicap », « transgenre », ou « orientation sexuelle » soient pratiquement absents des rapports du commissaire aux langues officielles et de l’ombudsman adjointe de l’Ontario responsable de certains aspects de la LSF. La troisième partie aussi aborde quelques exemples des impacts perceptibles et importants d’un manque d’analyse intersectionnelle sur les revendications en matière de droits linguistiques de façon plus générale. On peut ainsi observer que les intérêts des francophones qui se heurtent à des axes de domination autres que la langue sont trop souvent ignorés puisque les revendications en matière de droits linguistiques ne sont pas formulées dans une optique intersectionnelle. En conclusion, j’offre quelques recommandations pour remédier à ces problèmes.