La réforme de la représentativité syndicale fait désormais dépendre la reconnaissance syndicale des élections professionnelles. A-t-elle contribué à « rénover la démocratie sociale », comme l’annonçait la loi du 20 août 2008 dans son intitulé ? Qu’est-ce qui a changé depuis 2008 ? En nous appuyant sur une enquête de terrain menée durant trois ans, et plus spécifiquement sur deux monographies d’entreprises, nous décrivons la mise en œuvre des nouvelles règles de représentativité en soulignant leurs usages pluriels. La portée sociale des normes juridiques dépend en effet de leur appropriation par les équipes syndicales, mais aussi par les directions d’entreprises et les agents de l’État qui, au fil de leurs interactions, donnent progressivement réalité au nouveau régime de représentativité. Au-delà de sa fonction documentaire, l’article entend aussi remplir une fonction critique : en mobilisant le cadre théorique de la sociologie politique du vote et de la représentation, il invite le lecteur à prendre du recul sur l’équivalence souvent spontanément posée entre « vote » et « démocratie ». Nous montrons que le vote est moins un vecteur de démocratisation de l’entreprise ou du syndicalisme qu’un instrument disputé de légitimation des stratégies tant syndicales que patronales. Autrement dit, loin d’être une procédure neutre servant à l’expression d’intérêts ou d’opinions préconstitués, le déroulement même de l’élection joue un rôle central dans la définition des intérêts et des opinions légitimes.
Les jeunes continuent à s’engager mais, parmi leurs engagements, le syndicalisme et la représentation du personnel sont peu répandus. À partir d’une enquête quantitative et qualitative sur les trajectoires d’engagement et d’apprentissage de l’activité syndicale des jeunes travailleurs, nous rendons compte des facteurs et des processus qui conduisent les jeunes à peu se rapprocher des syndicats. Nous remettons en cause l’idée reçue d’un désamour de la jeune génération envers les organisations syndicales pour montrer au contraire que les jeunes croient encore à l’action collective au travail mais sont pour partie « empêchés » d’y prendre part. Nous montrons alors quelles sont les conditions requises pour qu’un jeune travailleur franchisse ce cap en dessinant trois figures type du jeune engagé au travail.
La notion de participation dans le monde du travail renvoie à une pluralité de sources intellectuelles et fait l’objet d’usages très différenciés par les acteurs. Il s’agit d’une notion polémique qui recouvre aussi bien l’enjeu, du côté patronal, de mobiliser au maximum la force de travail que l’exigence, du côté des salariés, de démocratiser l’entreprise, d’y étendre la citoyenneté. La reconnaissance de la spécificité du rapport salarial, de l’inégalité structurelle qui le caractérise, est passée par l’instauration progressive d’institutions représentatives des salariés. Cette construction institutionnelle a placé les syndicats au centre des logiques de représentation, ouvrant la voie à un processus de professionnalisation. D’autres formes de participation directe ont pu émerger, notamment dans le cadre de luttes, parfois en contradiction avec les syndicats, parfois de façon articulée avec l’action déployée dans les institutions représentatives du personnel. Cet article revient sur ces différents enjeux en insistant sur les ambiguïtés d’un raisonnement analogique entre démocratie politique et démocratie sociale, l’introduction d’instruments et de dispositifs empruntés à la première (le vote, le référendum, etc.) n’épuisant pas les contradictions de la seconde.
Résumé de l'article Constituée à la fin des années 1990, l'Union syndicale Solidaires a pris une part importante dans les mobilisations sociales. Au travers de ses syndicats SUD, elle apparaît comme l'une des composantes radicales du mouvement syndical en France, tout comme l'un des acteurs majeurs dans la contestation des effets de la crise économique et des politiques de rigueur. Cet article montre que, tout en jouant un rôle important dans la contestation sociale, l'Union syndicale Solidaires (USS) est également engagée dans un processus de reconnaissance de sa représentativité et de sa place dans le système de relations professionnelles. Pour faire vivre le syndicalisme combatif qu'elle entend défendre, l'organisation est, en effet, obligée de gagner en audience et en visibilité. Tout en contestant les règles du système de relations professionnelles, tel qu'elles bénéficiaient aux acteurs dominants au sein de ce dernier, Solidaires réclamait un changement de celles-ci. La réforme des règles de représentativité, lancée en 2008, a été de ce point de vue plutôt positive pour l'Union. Cependant, elle a engendré des dynamiques ambivalentes en son sein : elle a facilité les conditions d'implantation de ses syndicats dans le secteur privé, tout en l'obligeant à rationaliser ses structures, mais aussi ses pratiques, dans un souci d'efficacité. Une tension existe ainsi entre, d'un côté, une stratégie de développement syndical pensée d'une certaine façon « à froid », non plus dans les phases de mobilisation sociale, mais davantage en lien avec les opportunités créées par le nouveau régime de représentativité et, de l'autre, l'importance de certains référents identitaires très présents dans l'organisation (reconnaissance de l'autonomie des structures de base, refus de toute centralisation, critique des permanents syndicaux).
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