Résumé L’intensité de la pratique gréviste française a connu un profond fléchissement et constitue une dimension centrale de l’évolution contemporaine du répertoire d’action collective. À partir de l’examen de conflits interprofessionnels récents, notre ambition est d’examiner concrètement les conditions de ce déclin. Sans postuler une quelconque disparition de la grève, il s’agit tout d’abord de dégager l’enchevêtrement des contraintes structurelles, organisationnelles et interactionnelles propres à la reconfiguration de l’espace syndical, qui rendent difficiles le recours au mode d’action gréviste. On cherche ensuite à saisir comment, dans cet espace de contraintes, peuvent se redéployer les usages syndicaux concurrentiels de la grève et se redéfinir les stratégies de mise en œuvre et de légitimation d’une pratique largement stigmatisée.
Janvier-mars 2016-N o 145-Travail et Emploi-87 * Cet article découle d'une post-enquête financée par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) en convention avec le laboratoire Professions, institutions, temporalités (Printemps, université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, CNRS). Convention n° 2200590601, « La dialectique des conflits et des négociations en entreprise ».
Pour citer cet article :-Giraud B., Des conflits du travail à la sociologie des mobilisations : les apports d'un décloisonnement empirique et théorique,
Découvrir la revue Citer cet article Giraud, B. (2015). Négocier sous contrainte : les modalités d'appropriation du rôle de « partenaire social » par les représentants de la CGT. Relations industrielles, 70(2), 306-326. doi:10.7202/1031487ar Résumé de l'article Cet article étudie les stratégies de négociation et de mobilisation des dirigeants confédéraux de la CGT à l'occasion de réformes gouvernementales de la protection sociale qui préfiguraient celles qui ont été engagées depuis 2008 en réponse à la "crise" économique. L'analyse de l'autonomie des syndicats dans la négociation de ces réformes doit être réinscrite dans un examen au plus long cours des transformations des formes et des conditions de possibilité de la lutte syndicale. L'étude des pratiques de ces dirigeants syndicaux permet, en particulier, de s'interroger sur les ressorts de leur enrôlement dans ces processus de négociation, ainsi que sur les effets et les dilemmes qu'implique cette action institutionnelle sur leur manière de contester les projets gouvernementaux.Leur engagement dans ces procédures de concertation n'a rien de mécanique ni de consensuel. Il est, d'abord, le fruit de leur affaiblissement politique et militant. Cette situation modifie leur perception des profits qu'ils peuvent retirer à réinvestir les manières d'être et les outils légitimes dans l'espace de la négociation. Elle les porte notamment à valoriser la production de contre-expertise et de contre-propositions pour justifier leur opposition aux projets gouvernementaux. L'investissement de ces modes d'action institutionnels n'exclut pas le recours à l'arme de l'action collective, mais il contribue à en modifier les usages. D'une part, ces dirigeants syndicaux s'imposent des limites dans leurs stratégies de mobilisation des salariés pour asseoir leur légitimité dans la négociation. D'autre part, ils doivent composer avec de multiples contraintes organisationnelles qui entravent leur capacité à mobiliser leurs adhérents au cours de ces négociations interprofessionnelles.Contre la tendance à opposer l'institutionnalisation des syndicats à leur capacité à entrer en conflit, l'étude des pratiques des dirigeants de la CGT met donc davantage en évidence les contraintes institutionnelles, politiques et organisationnelles qui influencent la manière dont s'articulent et se reconfigurent les usages syndicaux des outils de la négociation et de l'action collective.
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