Résumé L’opposition traditionnelle entre représentation et participation directe repose sur une conception exclusive de la représentation. Or on peut mettre au jour, notamment par l’histoire de la représentation avant le triomphe du gouvernement représentatif, une autre conception, inclusive, où l’existence d’une relation de représentation stimule plutôt qu’empêche la participation directe des représentés. Cette inclusion par la représentation peut d’abord passer par la politisation des citoyens, au sein même des institutions du gouvernement représentatif, par la formulation d’un jugement sur l’action des représentants, ou à l’extérieur, par la construction de dispositifs alternatifs de représentation. La représentation inclusive peut aussi viser l’inclusion spécifique des groupes dominés, à l’intérieur ou à l’extérieur des institutions du gouvernement représentatif. Enfin, la représentation inclusive peut passer par des processus de subjectivation, par lesquels des groupes sociaux exclus deviennent des sujets politiques.
Sometimes, people engaged in politics actively refuse to speak for anyone but themselves. These unrepresentative claims multiply in social movements in times of crisis. During the French Yellow Vest movement of 2018–2019, such unrepresentative claims were routinely made by Yellow Vest leaders, to the point of being a condition for having a leadership position in the movement. By making these unrepresentative claims, they declined any representative mandate, asserting their freedom from any instituted influence. However, by claiming to speak only for themselves, they also selected the aspects of their identity they performed. This allowed them to embody the people sharing this identity, recalling the medieval repraesentatio identitatis, but in a way adjusted to today’s greater personalization of politics. Drawing on this movement and on other examples of unrepresentative claims, we can delineate three broad ideal-types of identities that may be put forward by unrepresentative claims: generality, particularity, and individuality.
La notion de prétention à la représentation ( representative claim ), proposée notamment par Michael Saward, marque-t-elle un tournant constructiviste dans l’étude de la représentation politique ? L’idée selon laquelle le représentant impose une identité au représenté existait déjà chez Hobbes ou Pierre Bourdieu. Mais la théorie politique anglo-américaine, particulièrement depuis l’ouvrage de Hanna Pitkin, s’appuyait plutôt sur une conception de la représentation comme composition, le représenté préexistant à sa représentation. L’intérêt de l’approche de Saward est d’envisager les prétentions à la représentation comme des propositions qui peuvent être acceptées, refusées ou reformulées par les représentés. Les articles réunis dans ce dossier prennent cette approche au sérieux et la mettent à l’épreuve de terrains divers, faisant ressortir la performativité des prétentions à la représentation, leur caractère instituant et leur inscription dans des rapports de pouvoir.
Les Gilets jaunes une histoire de classe ? Entretien avec Ludivine Bantigny et Samuel Hayat Mouvements-Une des particularités des discussions à propos du mouvement des Gilets jaunes est la multiplication des références historiques mobilisées pour en parler : depuis les émeutes d'Ancien régime, la Révolution Française proprement dite, 1848 jusqu'à La Commune et Mai 68. Et cet exercice n'est pas totalement abstrait puisque ces références, ou du moins certaines, se retrouvent dans les paroles des Gilets jaunes. Comment analysezvous ce phénomène ? Ludivine Bantigny-On peut partir de la question de l'engagement qui explique peut-être qu'il y ait eu tant de tribunes, de prises de parole mais aussi des participations diverses à ce mouvement de la part de chercheurs et d'enseignants. Les deux se sont mêlés : l'histoire est en train de se faire, et on essaie de la saisir ce qu'elle a de singulier. Et en même temps, on souhaite aussi y prendre notre part à notre modeste échelle. Comment qualifier ce qui se passe ? Il y a d'abord la question du choix des mots : crise, événement, mouvement, etc… Evénement me semble le plus adapté si on ne le prend pas dans son sens euphémisé-comme on a pu dire « Les événements d'Algérie » au lieu de parler de « La guerre d'indépendance algérienne » ou « Les événements de 68 » au lieu de parler de « La grève générale »-mais dans le sens fort de quelque chose qui surgit. Par rapport à l'histoire et à la tradition des mouvements sociaux, je crois qu'on est dans quelque chose de différent, à la fois du point de vue de la sociologie et sans doute du point de vue des aspirations, des revendications et des dispositifs. C'est un mouvement qui échappe très largement aux codifications des mouvements sociaux, même si bien sûr, les mouvements sociaux ne sont jamais réductibles à leurs codes.
No abstract
Résumé Représenter de façon substantielle veut dire agir dans l’intérêt des représentés, d’une manière qui soit réactive à leurs souhaits. Ceci peut être pensé et fait de nombreuses manières, mais il ne faut jamais que le représentant soit un expert indépendant ou un simple commis. Au niveau politique, cette définition de la représentation a plusieurs implications. D’abord, le représentant n’est ni l’agent de sa circonscription, ni un gouvernant national sans ancrage local : c’est l’interaction entre représentants locaux qui permet la création de l’intérêt national. Ensuite, la représentation politique n’est pas une propriété individuelle, mais une propriété du système, qui doit permettre la réactivité. Enfin, la diversité des visions valides de la représentation ne signifie pas que n’importe quel gouvernement est représentatif : pour que l’on puisse parler de gouvernement représentatif, il faut qu’il y ait une institutionnalisation de la réactivité au peuple, en premier lieu par des élections libres. Cependant, cette institutionnalisation ne suffit pas : il faut aussi garder à l’esprit la représentation comme idéal, pour sans cesse juger et réformer les institutions de représentation.
This chapter explores some of the normative implications of the constructivist turn in the theory and practice of representative democracy, taking as its point of departure the constructivist framework of representative claims set by Michael Saward. Saward’s account succeeds from a descriptive point of view, but does not provide us with normative criteria to evaluate whether a given representative claim is democratic. This chapter finds in the standard account of representation by Hanna Pitkin a conception of representation as composition, which provides a strong democratic criterion to evaluate representation. It distinguishes between two ideal-typical conceptions of representation compatible with constructivism: representation as imposition, developed most notably by Pierre Bourdieu, in which the represented get their social identities from their representative; and representation as proposition, in which the represented acquire in the process of representation not just their identity but also some agency to judge it – a view of representation that is at the core of pragmatic sociology. The conclusion suggests possible criteria for representation as proposition and propose inclusiveness as a democratic criterion that can form the basis of an alternate ideal of representation, inclusive representation.
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