Après être passées par une phase d'uniformisation et de standardisation des solutions adoptées pour lutter contre les inégalités sociales de réussite scolaire, les politiques éducatives françaises se sont efforcées, depuis le début des années soixante-dix, de diversifier les filières d'enseignement pour mieux répondre à l'hétérogénéité des élèves. Cette diversification s'est accompagnée d'un accroissement de l'autonomie des établissements scolaires et d'un affaiblissement du rôle centralisateur de l'État. Nous tenterons de montrer que ce processus est peu compatible avec les objectifs de démocratisation proclamés officiellement. En prenant l'exemple d'une récente mesure proposée dans le cadre de la rénovation des collèges (les parcours pédagogiques diversifiés), nous montrons que l'autonomie accrue dont bénéficie l'établissement scolaire peut conduire à une aggravation des inégalités sociales produites, en partie, au sein de l'école. Celles-ci se manifestent surtout par des apports culturels relativement différenciés selon la composition sociale du public scolaire. En revanche, les variations qui affectent la répartition horaire des enseignements obligatoires sont beaucoup moins marquées et ne pénalisent pas les établissements qui scolarisent des collégiens d'origine défavorisée.
En France, c'est la loi d'orientation de 1989 qui institue le projet d'établissement. Celui-ci doit permettre, entre autres, d'accroître l'autonomie de l'établissement afin qu'il puisse mieux s'adapter aux spécificités locales. Nous ferons l'hypothèse que cette démarche qui cherche à mettre en valeur l'originalité et la singularité de chaque établissement est susceptible de contribuer à un fonctionnement relativement inégalitaire du système éducatif. Pour tester cette hypothèse, une étude monographique réalisée à l'échelle d'un département métropolitain a permis d'analyser les axes prioritaires des projets d'établissement de l'ensemble des collèges publics (N = 101). Cette enquête révèle que dans les collèges socialement favorisés, les caractéristiques du public scolaire font que l'on peut se permettre de mettre l'accent sur des objectifs relativement « nobles » (ouverture culturelle, travail en interdisciplinarité, vie à l'intérieur de l'établissement). Au contraire, dans les établissements scolarisant des élèves de milieux modestes ou défavorisés, les orientations qui se manifestent à travers les projets d'établissement traduisent plutôt une adaptation contrainte et forcée aux difficultés que rencontrent quotidiennement les élèves (difficultés scolaires, situations sociales précaires, violences urbaines, etc.).
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