2. L'une des questions les plus disputées, au cours de ce débat public, fut celle de savoir si la réforme instituant le quinquennat allait ou non orienter le système politique français vers le « régime présidentiel ». 3. Ces critiques ont été portées de toutes parts : d'un point de vue politiste, on a pu souligner combien était inopérante une classification exclusivement fondée sur l'existence (ou l'absence) de certaines règles constitutionnelles ; du point de vue de la théorie du droit, on a insisté davantage sur les faiblesses structurelles de la classification. Pour s'en tenir aux constitutionnalistes, on peut par exemple citer Georges Burdeau (Traité de science politique ; t. V : Les régimes politiques, Paris, LGDJ, 2 e éd., 1970, p. 385 et 441 et s.), comme représentant du premier point de vue (cf. Francis Hamon, « La théorie des régimes politiques dans l'oeuvre de Georges Burdeau », in Le pouvoir et l'État dans l'oeuvre de Georges Burdeau, Paris, PUAM, « Droit public positif », Economica, 1993, p. 59 à 71), et Charles Eisenmann comme représentant du second (C. Eisenmann, « Essai de classification théorique des formes politiques », Politique-Revue internationale des idées, des institutions et des événements politiques, Nouv. série, n°41-44, Paris, CNRS, 1968, p. 5 à 86). 4. C'est ce que C. Eisenmann a appelé (op. cit., p. 10) les valeurs « logique » et « scientifique » de la classification. 5. Cf. Revue du droit public, n°4-2000, p. 943 et s. L'ouvrage d'Olivier Duhamel sur la question (Le Quinquennat, Paris, Presses de sciences Po, 2000, p. 55 et s.) porte également témoignage de l'importance des arguments fondés sur cette classification. Le débat doctrinal relatif à la réduction du mandat présidentiel à cinq ans en octobre 2000 1 a fait une large place à la question de la « nature » du régime 2. Pourtant, la classification traditionnelle des régimes politiques (qui distingue les régimes parlementaires et présidentiels) est l'objet depuis de nombreuses années de critiques qui pouvaient sembler lui avoir été fatales 3. Il avait été démontré non seulement que ces catégories ne s'opposaient pas, mais qu'en outre, ranger tel ou tel régime concret sous l'une quelconque de ces classes ne permettait pas d'en tirer de conclusions quant à son fonctionnement concret 4. Le fait que les spécialistes de droit constitutionnel 5 , comme d'ailleurs les Document téléchargé depuis www.cairn.info-Université de Nanterre
Une partie de plus en plus importante de la doctrine plaide ardemment pour que l’on rompe définitivement avec la tradition française d’un pouvoir judiciaire relégué, subordonné, voire « refusé ». L’hypothèse retenue ici est que cette demande de reconnaissance d’un véritable pouvoir judiciaire en France peut être analysée comme la revendication d’un changement de théorie justificative : alors que notre système juridique reste globalement fondé sur une minimisation du pouvoir normatif des juges, il s’agirait de le faire reposer sur l’idée inverse. Or un tel bouleversement serait lourd de conséquences, à la fois quant à la façon dont l’ordre juridique dans son ensemble est légitimé, et quant à la manière dont chaque décision juridictionnelle doit être individuellement justifiée.
Commençons par devancer une objection possible-relative à la consistance même du paradoxe en question. À l'évidence, il tient d'abord au vocabulaire employé, et de bons auteurs soutiendraient avec quelque apparence de raison qu'il suffit de remplacer « lois constitutionnelles » par « lois de révision » pour que le paradoxe s'évanouisse instantanément. Il nous semble pourtant que ce dernier serait alors moins surmonté que repoussé. En effet, cette substitution terminologique repose sur l'idée que le « pouvoir de révision » est un pouvoir constitué, qui se distingue donc par nature du (véritable) pouvoir constituant. Il demeure cependant que ledit pouvoir de révision crée bien des règles constitutionnelles, puisque les lois qu'il adopte sont incorporées au texte de la constitution et y figurent au même titre que les dispositions initiales : en d'autres termes, le pouvoir de révision est bien, au moins quant à son objet, un pouvoir constituant. Non seulement, donc, le paradoxe initial ne s'efface pas complètement (il y a bien des « lois constitutionnelles inconstitutionnelles »), mais on voit en apparaître un autre, puisque le pouvoir de révision apparaît comme étant à la fois constituant et constitué-antinomie que l'on s'efforce de dissimuler par l'emploi de l'obscure expression de « pouvoir constituant dérivé ». Mais si le paradoxe persiste, c'est peut-être tout simplement qu'il est inévitable : il est en effet le simple résultat de l'existence, dans la constitution, d'une procédure spéciale de révision constitutionnelle. Inclure en effet (pour des raisons d'ordre politique évidentes, sur lesquelles il est inutile de s'appesantir) un tel mécanisme dans la constitution, c'est assigner à cette dernière une tâche éminemment paradoxale-celle de déterminer les conditions de sa propre création. Sans discuter ici la teneur ni les implications d'une telle ambition, rappelons simplement que, poussée à son terme (en l'occurrence lorsque l'on prétend utiliser cette procédure de révision pour modifier la disposition instituant cette même procédure), elle aboutit à une proposition auto-référentielle, c'est-à-dire à une absurdité logique-ainsi qu'Alf Ross l'a fort bien mis en évidence 1. Mais souligner qu'il y a bien quelque chose de paradoxal dans l'idée que des lois constitutionnelles puissent être déclarées inconstitutionnelles ne signifie pas
Édouard Laboulaye s’est intéressé aux questions constitutionnelles au gré des événements politiques qui ont jalonné sa vie – et auxquels il a souvent pris part activement. Sa manière d’aborder ces questions est sans doute un peu datée, mais cela ne l’a nullement empêché de soulever des problèmes ou de proposer des solutions qui rencontrent un écho certain dans la pensée constitutionnelle contemporaine.
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