Cet article propose de revenir sur l’essor remarquable en économie du développement de la méthodologie des essais contrôlés randomisés, à la fois en tant qu’outil de preuve et de gouvernement. Ce transfert constitue un apport décisif à l’économie mainstream du développement, tournant le dos au consensus de Washington et instillant une concrétude bienvenue. S’il s’agit d’une technique largement consolidée aujourd’hui, l’inscription de cette technique dans une épistémologie plus large (réflexions sur les types d’inférence à l’œuvre, le rapport à la théorie, le primat du micro et la question de la spécificité historique dans la montée en généralité) reste encore fragmentaire, ce qui occasionne des points aveugles et des limites notables. Cette technique, tout comme les essais cliniques, relève d’un construit social et n’est pas un instrument purement objectif. Outil de preuve, elle est également un outil de gouvernement – au sens foucaldien du terme – dont les applications ne sont pas sans rappeler d’autres formes d’ingénierie sociale et qui relève d’une forme de gouvernementalité largement distincte de la tradition néolibérale.
This contribution aims at an original comparison of development analysis with Elinor Ostrom and Esther Duflo from a methodological standpoint, scrutinising their relationship to theory and their operative research strategies. Both perspectives are investigated as case studies for a broader discussion about significant trends in economics and social sciences. Duflo and the J-PAL's approach illustrates – in its own way – new trends and some blind alleys in contemporary forms of mainstream economics, whereas Ostrom and the Bloomington school point towards the marked theoretical and methodological reflexivity of institutionalism, its sensitivity to historical diversity and openness towards social sciences. Distinct social philosophies and episteme are at stake displaying a great divide between two brands of realism and pragmatism, two relationships to development, expertise and knowledge. The paper also contrasts Duflo's methodological monism and mechanistic piecemeal analysis with Ostrom's methodological pluralism and adaptive complex systems analysis.
Cet article explore l’apport méthodologique d’Ostrom, encore mal connu malgré la popularité de ses travaux sur les communs. Nous montrons que son approche participe de l’institutionnalisme historique (rationalité et régularités situées, enchâssement social, rôle des règles et des normes, approche généalogique et non-fonctionnaliste, jeux d’échelle, réalisme critique, etc.), jusque dans l’usage heuristique de modèles habituellement attribués à la théorie standard (théorie des jeux, modèles multi-agents). Cela permet de dépasser quelques malentendus (sur la théorisation d’une « troisième voie » attribuée à Ostrom ; sur les notions de communauté et de « self-governance ») et de pointer l’intérêt potentiel d’un enrichissement réciproque avec d’autres institutionnalismes.
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