Annales de Bretagne et des Pays de l 'Ouest, tome 118, n° 1, 2011 Le patrimoine religieux de la manufacture des toiles « bretagnes » : prospérité toilière et ambition fabricienne en Centre-Bretagne (1650-1790 Anthony GUILLEMOT Étudiant en master -l'université Rennes 2 Haute-Bretagne enseignant du secondaire En Bretagne, la constitution d'un patrimoine religieux monumental 1 grâce aux profits du commerce toilier est bien connue et remarquablement illustrée par l'exemple du Léon aux XVI e et XVII e siècles 2 . Si cet exemple semble exceptionnel par la splendeur et l'ostentation des grands enclos paroissiaux, l'on peut se demander s'il est un cas isolé dans une province qui compte d'autres secteurs et d'autres moments de prospérité toilière. Au XVIII e siècle en particulier, dans un contexte breton par ailleurs difficile, il est une activité qui prospère en Centre-Bretagne : celle de la production des toiles de lin dites « bretagnes », production de luxe, réputée pour sa qualité. Le dynamisme des toiles « bretagnes », fortement attesté à partir du 1. Je remercie bien sincèrement Georges Provost de l'aide qu'il m'a apportée pour la rédaction et la relecture de cet article. Celui-ci reprend les principales conclusions du mémoire de Master 2 que j'ai soutenu à l'université de Rennes 2 en juillet 2007 sous sa direction : GUILLEMOT, Anthony, Prospérité toilière et chantiers paroissiaux dans les paroisses rurales de la manufacture des toiles « bretagnes » 1650-1830, 357 p. Ce mémoire fournit, en annexe II (p. 316-336), l'inventaire des chantiers paroissiaux recensés dans le territoire de la manufacture. 2. TANGUY Jean, Quand la toile va. L'industrie toilière bretonne du XVI e au XVIII e siècle, Rennes, Apogée, 1994, 158 p. Pour ce qui concerne le Léon toilier, voir aussi : ELÉGOËT, Louis, Les Juloded. Grandeur et décadence d'une caste paysanne en Basse-Bretagne, PUR, 1996, 292 p. ; TANGUY, Stéphane, Les enclos et l'argent : l'arrière-plan financier des réalisations artistiques dans le Léon aux XVI e et XVIII e siècles, mémoire de maîtrise, université de Brest, 1985, 135 p. ; PORHEL, Jean-Luc, Les chantiers paroissiaux dans le Léon du XVI e au XVIII e siècles, mémoire de maîtrise sous la direction de Jean Tanguy, université de Brest, 1982, 157 p. ; CHAURIS, Anne, Le poids financier des enclos léonards, mémoire de maîtrise sous la direction de Fañch Roudaut, université de Brest, 1996, 399 p. Voir aussi MARTIN, Jean et PELLERIN, Yvon (dir.), Du lin à la toile. La proto-industrie textile en Bretagne, Rennes, PUR, 2008, 336 p. Anthony GUILLEMOT 88 dernier quart du XVII e siècle 3 , s'explique par leur écoulement massif sur les marchés des colonies espagnoles d'Amérique, via l'intermédiaire de Saint-Malo puis de Cadix. Bien connu à partir du milieu du XVIII e siècle, le volume des exportations va croissant jusque vers 1775 et permet de dégager de substantiels profits, comme l'a démontré Jean Martin 4 . Cette manufacture faisait travailler 35 000 personnes à la veille de la Révolution, dans une vaste zone rassemblant une cinq...