Un travail a soi. Repères pour un management de l’appropriation du travail

Abstract

L’appropriation du travail et, plus largement, le management du travail constituent un point aveugle de la recherche en GRH. Cette recherche s’efforce dans cette optique d’explorer la dynamique d’appropriation du travail en organisation. Elle mobilise pour ce faire plusieurs séquences d’observations participantes et d’entretiens, réalisées au sein de deux structures d’insertion. Les résultats montrent que la dynamique d’appropriation du travail : engage une mobilisation subjective par laquelle l’acteur s’affronte à la résistance du réel et aux failles de la prescription, suppose l’articulation de deux formes de jugement – d’utilité et de beauté, est assimilable à un processus de construction du sens. La recherche questionne le rôle des managers de proximité dans la régulation du travail. Elle invite à développer des « espaces de discussion », susceptibles de favoriser la réappropriation du travail prescrit et la construction du sens au travail.

6. Perspectives critiques en GRH

“…Le contexte de la Transition (environnementale, sociale et économique), de l'accélération (technologique, du changement social, des rythmes de vie) et d'une certaine crise du capitalisme et de ses institutions qui engendre des transformations sociétales (recherche des circuits courts, des modes de production « communautaires », émergence de l'économie de « partage ») et organisationnelles profondes (réorganisations sous couvert de digitalisation, d'agilité ou de « big data ») soutient aussi la résurgence des théories anti-utilitaristes et de réflexions morales sur la vie au travail qui alimentent les recherches critiques en GRH (voir p.ex. Frémeaux et Michelson, 2017 ;Grimand, Glaisner et Grévin, 2017 ;Allaux-Izoard, 2019).…”

“…Ces deux postures caractérisent les études critiques en GRH et se distinguent par des objets, finalités, problématiques et modalités spécifiques, à l'image de la synthèse présentée dans le Tableau 1. Alvesson (2002) ; Dany et Livian (2002) ; Defélix, Klarsfeld et Oiry (2006) ; Lopdrup-Hjroth, Gudmand-Hoyer, Bramming et Pedersen (2011) ; McKinlay et Starkey (1998) ;Pezet (2004);Sewell et Wilkinson (2002); Townley (1994) ; Vidaillet ( 2013) Aktouf (1992) ; Bolton et Houlihan (2007) ; Brabet (1993) ; Cazal (2008) ; Dietrich et Pigeyre (2005, 2016 ; Galambaud (2002) ; Grimand, Glaisner et Grévin (2017) ; Sisson (1993) ; Taskin et Dietrich (2016, 2020 que champ. Ensuite, une autre limite de cette synthèse est celle de ne pouvoir mentionner ici tous les travaux critiques qui ont été menés en GRH.…”

Du management bienveillant à la communauté de travail : le cas Yves Rocher

“…Dans le jeu de la dimension collective, dans les relations entre pairs et avec la hiérarchie, se trouve un processus déterminant, celui de la reconnaissance (Grimand, Glaisner & Grevin, 2017). La reconnaissance est la réaction constructive par laquelle collègues et managers vous reconnaissent en fonction d'un standard, suite à un effort, non seulement comme compétent mais encore comme digne de soutien et d'attention (Brillet et alii., 2013).…”

“…Beaucoup plus rarement, quand le jugement de beauté l'emporte sur le jugement d'utilité, les salariés sont dans l'incapacité de se repérer faute d'un cadre préalable à leur travail et de visualiser leur contribution à long terme de façon objective. La construction du sens étant aussi liée à la dimension objective du travail, c'est cette construction de sens et de repère qui se trouve ici compromise (Grimand, Glaisner et Grevin, 2017). C'est la conjonction de ces deux formes de jugement qui crée la reconnaissance.…”

“…Il s'agit de créer une situation permettant aux chercheurs de se familiariser avec l'environnement dans lequel évoluent les acteurs interrogés. Cette technique de recueil de données, proposée par Grimand et al (2017), permet de dépasser le discours parfois convenu sur l'organisation et sur l'activité pour capter l'interprétation que les acteurs en font.…”