L’influence positive du soutien organisationnel par le biais d’attitudes et de pratiques favorables à la conciliation travail-famille (CTF) est largement reconnue. En revanche, peu d’études ont porté un regard spécifique sur les dynamiques entourant ces pratiques au sein de milieux où une organisation inflexible du temps de travail complique la manifestation de soutien à l’égard de la CTF, tout en créant des défis de conciliation importants. Réalisée en partenariat avec des syndicats québécois, cette étude s’intéresse aux pratiques informelles de CTF au sein de commerces d’alimentation québécois, un secteur d’emploi faiblement rémunéré où les horaires sont imposés, étendus, imprévisibles et variables.L’analyse thématique d’un corpus de trente entretiens semi-dirigés réalisés auprès de travailleuses syndiquées, de gestionnaires, de représentantes et de représentants syndicaux montre que, en dépit de règles liées à la convention collective, le mode d’établissement des horaires, en apparence neutre, témoigne de l’importance du caractère informel des pratiques de CTF. Ces dernières sont souvent individuelles, voire secrètes, et elles sont perçues comme le fruit d’un traitement privilégié accordé à certaines personnes. Compte tenu de l’accès restreint aux possibilités d’accommodements, ces pratiques peuvent entraîner une dynamique de « chacun pour soi », ce qui affecte la qualité des rapports entre collègues. Certaines mères de famille étaient particulièrement désavantagées par les normes de flexibilité valorisées dans leur milieu de travail. Enfin, des pratiques informelles sont acceptées au sein du collectif si elles sont transparentes et en autant que les gains des uns n’engendrent pas d’injustice perçue pour les autres.L’étude amène un éclairage sur l’impact collectif des pratiques informelles de CTF en contexte d’horaires atypiques, imprévisibles et variables. Elle montre la nécessité, pour les entreprises ainsi que pour les syndicats actifs dans ces milieux, de créer des conditions favorables au développement de relations interpersonnelles saines et équitables, ainsi que des pratiques qui valorisent l’expression des enjeux de CTF.The positive influence of organizational support on work-family balance (WFB), by means of flexible attitudes and practices, is widely recognized in the literature. However, few studies have examined the dynamics surrounding these practices in work environments where a rigid organization of work time makes WFB a significant challenge for workers while severely limiting possibilities for management support. Carried out in partnership with Quebec unions, this study focuses on WFB informal practices in Quebec food retail stores, a low-wage employment sector where schedules are imposed, extended, unpredictable and variable.Thematic analysis of a corpus of thirty semi-structured interviews with managers, unionized female workers, and union representatives reveals that the scheduling process involves informal WFB practices despite collectively bargained rules, including the possibility of fav...