Patristique grecque et histoire des dogmes I. Cyrille d'Alexandrie, Contre Julien IV, 29-48 : l'épisode de Babel et l'origine de la diversité des nations Le livre IV du Contre Julien est tout entier centré sur la question du rôle des dieux ethnarques dans l'origine des caractères nationaux. Pour Julien, une telle diversité ne peut s'expliquer rationnellement et religieusement (c'est-à-dire en y voyant un effet non du hasard, mais de la providence) que par la répartition des nations entre différentes divinités tutélaires ayant chacune leur spécificité. Cette théorie se trouve déjà chez Celse, mais prend chez Julien une ampleur inégalée et l'on peut soutenir l'hypothèse que Julien a non seulement utilisé Celse, mais a voulu répondre à la réfutation qu'Origène en avait proposée 1. La deuxième partie du livre IV de Cyrille est consacrée à l'examen du récit de Babel qui fait l'objet de plusieurs longs fragments du Contre les Galiléens de Julien en contrepoint de sa théorie des dieux ethnarques. Or, si Origène accorde à Celse qu'il y a bien eu une répartition des nations entre des êtres protecteurs, il s'oppose à lui sur les raisons de ce partage (CC V, 29) : c'est l'attitude des hommes à Babel qui expliquerait que, selon le degré de leurs péchés, Dieu les ait éloignés du Levant et confiés à des anges plus ou moins sévères. Seul Israël, resté fidèle à Dieu, au moins dans un premier temps, ne serait devenu la portion d'aucun ange, mais serait resté la part d'héritage de Dieu lui-même selon Dt 32, 8-9 2. Babel doit donc être replacé dans l'ensemble de l'histoire du salut comme point de départ de la distinction entre le traitement d'Israël et des nations. Or c'est précisément ce sens mystique donné par Origène à l'épisode de Babel que Julien cherche à discréditer, en même temps qu'il réfute la prééminence d'Israël comme peuple élu. Julien commence par accuser ce récit d'être « mythique » (fr. 23), à l'instar de la légende homérique des Aloades, procédé qu'il a déjà utilisé pour ridiculiser