On peut proposer deux définitions, non exclusives et complémentaires, de la physiologie. La plus récente est l'étude intracellulaire, moléculaire et forcément réductrice des événements de signalisation qui déter-minent une fonction physiologique donnée. La seconde définition, plus classique, est l'étude des signaux extracellulaires, hormonaux ou neuronaux, à l'origine des grandes fonctions physiologiques. Cette dernière vision de la physiologie, imposant une étude chez l'animal entier, a été réactualisée par l'avènement de la géné-tique moléculaire chez la souris. En effet, la possibilité d'invalider un seul gène, si possible dans un seul type cellulaire, a permis de découvrir durant les vingt dernières années de nombreuses fonctions physiologiques dont l'existence même était insoupçonnée. Nous en citerons trois qui n'auraient sans doute pas pu être découvertes autrement : le rôle du tissu adipeux dans le contrôle de l'appétit [1, 2], la régulation de la masse osseuse par le cerveau [3-5] et la régulation du méta-bolisme énergétique par le squelette [6]. Ces récentes découvertes suggèrent que de nombreuses autres voies physiologiques restent encore insoupçonnées.
La physiologie du squelette et les contraintes du réelL'importance d'une approche génétique pour comprendre la physiologie est parfaitement illustrée par l'étude des fonctions du squelette, un des derniers organes à apparaître durant l'évolution. Comme chaque organe, le squelette a un certain nombre de particularités qui définissent ce que peut être sa physiologie. Deux > Durant les vingt dernières années, l'émergence d'outils génétiques sophistiqués a permis d'approfondir notre connaissance d'un grand nombre de fonctions physiologiques et d'en découvrir de nouvelles. Ceci est parfaitement illustré par l'étude des fonctions physiologiques du squelette. Le constant remodelage osseux a un coût énergétique important qui nous a amenés à émettre l'hypothèse d'un contrôle endocrinien commun de la masse osseuse et du métabolisme énergétique, et de l'implication de la leptine, une hormone synthétisée dans les adipocytes et qui contrôle à la fois ces deux fonctions. Nous avons découvert que cette hormone agit en bloquant la synthèse et le relargage de la sérotonine céré-brale, un régulateur positif de l'accroissement de la masse osseuse et de l'appétit, révélant les bases moléculaires d'un contrôle commun central de la formation osseuse et de l'appétit. De manière inattendue, nous avons découvert ensuite que la sérotonine d'origine digestive influence elle aussi le remodelage osseux, mais de manière opposée à la sérotonine cérébrale. Il s'agit là sans doute d'un exemple unique : celui d'une molécule, la sérotonine, qui influence différemment une fonction donnée suivant son lieu de synthèse. Cela nous permet de proposer un traitement efficace et rationnel de l'ostéoporose via l'administration d'un inhibiteur de la biosynthèse de la sérotonine digestive dont nous avons montré qu'il pouvait à la fois prévenir l'apparition de l'ostéoporose et guérir ses conséquences...