Dans le contexte actuel de transformation digitale des modes de fonctionnement des organisations et de leur design, cet article propose un recadrage conceptuel de la notion de rationalité des acteurs organisationnels afin de comprendre comment les choix que ces derniers effectuent tout au long de leurs interactions avec les technologies et systèmes d’information contribuent au modelage de changements sociotechniques sur le plan organisationnel et sociétal. Nous proposons une synthèse théorique sur les principales conceptions de la rationalité en sciences sociales. À savoir, l’approche dominante de la théorie du choix rationnel et les approches critiques développées notamment par Foucault, Habermas, Archer et Boudon. Plus particulièrement, l’article revisite et réconcilie les visions de ces deux derniers auteurs. Boudon préconise en effet une conception élargie (dite ordinaire) de la rationalité des acteurs telle que définie par Weber (1922), qui implique à la fois les dimensions utilitariste, normative et représentationnelle. Nous proposons d’associer à ce modèle les modes de réflexivité développés par Archer (2003) pour définir une nouvelle approche : la rationalité ordinaire réflexive. Trois idées clés fondent notre réflexion : (1) l’unité d’analyse de l’action sociale est l’individu ; (2) les structures sociales affectent et sont affectées par les actions individuelles ; (3) derrière chaque action individuelle, il y a un système de raisons associées à certains modes réflexifs que l’on peut définir. À ce titre, cet article propose un nouveau cadre analytique des changements sociotechniques actuels et à venir issus des interactions entre individus et technologies digitales.