J'ai longtemps pensé que le contraire de l'exil était le lieu. Que celui qui ne se trouvait pas en exil « avait » un lieu, tandis que l'exilé, lui, était condamné à une forme de voyage sans fin, sans point d'arrivée. Ulysse n'était pas loin d'incarner mon fantasme, un Ulysse qui ne reviendrait jamais à Ithaque, figure d'un exil absolu et interminable.Cette représentation rencontre une forme de démenti à l'épreuve d'une clinique située dans un contexte politique et social. Ce qui contraint les exilés à vivre hors de tout lieu accueillant et habitable tient bien plutôt à une construction politique de l'asile qu'à une condition intrinsèque ou essentielle de l'exilé. L'arrachement au pays d'origine, sous quelque forme qu'il advienne, constitue, tout d'abord, l'exil. L'impossibilité de trouver un lieu d'exil, c'est-à-dire d'asile, en est parfois le prolongement imposé.Dans cet article, il s'agit d'aborder quelques déclinaisons du rapport des personnes exilées au lieu, en prenant appui sur le questionnement de patientes dans le cadre de psychothérapies