En 2015, la Cinemateca portuguesa -Museu do cinema lançait, en collaboration avec Aleph -Rede de acção e investigação crítica da imagem colonial (« Réseau d'action et de recherche critique de l'image coloniale ») et sous la direction de Maria do Carmo Piçarra, un cycle important de projections consacrées aux images coloniales du cinéma portugais, conservées au sein de l'Arquivo nacional das imagens em movimento (ANIM) 1 . Ces dernières années, les initiatives culturelles, tant institutionnelles qu'associatives, artistiques ou patrimoniales se sont multipliées sur cette thématique. Dans cette même dynamique, des travaux de recherche prenant pour objet ce que nous appelons ici les fictions (post-)coloniales du cinéma portugais ont nourri un débat critique autour des mémoires coloniales, devenu parfois très virulent aujourd'hui dans l'espace médiaticopolitique portugais.Le régime portugais de l'Estado novo a en effet configuré une relation ontologique entre nation et empire, imprégnant en profondeur toute la vie culturelle portugaise. La longévité du régime, le succès de la formule lusotropicaliste, promouvant une soi-disant « manière d'être portugaise » (modo de ser português), d'une part, et la guerre coloniale, d'où ont finalement émergé les « capitaines d'avril », d'autre part, ont rendu difficile une réelle décolonisation des idées, des mots et, bien sûr, des images. Ainsi, en ce qui concerne ces dernières, était-il devenu urgent de dépasser la seule question des modalités narratives de la conquête, héroïsée, ou de la perte des territoires. De nos jours, la volonté sociale d'une rupture de l'identité nationale avec le colonialisme peut s'exprimer de manière explicite. Les questions des liens entre mémoire et histoire, ou encore des responsabilités, semblent pouvoir se poser de manière à la fois plus ouverte, plus réciproque et plus complexe.Le récent film documentaire d'Ariel de Bigault, Fantasmas do Império (Les fantômes de l'Empire, 2020), joue à bon escient avec la polysémie portugaise du mot fantasma, qui désigne à la fois le « fantôme » et le « fantasme ». En confrontant des acteurs et des réalisateurs du cinéma postcolonial portugais à des images d'archives coloniales conservées par la Cinemateca / ANIM, le film matérialise, par son dispositif, la nécessité d'un dialogue avec les formes sensibles léguées par l'histoire. Intégrant les apports