Le médecin, son patient et ses pairsUne nouvelle approche de la relation thérapeutique * RÉSUMÉ Les travaux relatifs à la relation thérapeutique ont jusqu'alors négligé un élément décisif : les relations entre médecins. Le cas de la cancérologie révèle que l'attention portée à ces relations est susceptible d'apporter un nouvel éclairage à la compréhension de la relation thérapeutique. En particulier, la concurrence entre médecins sur l'activité et sur la définition du bon traitement représente une incertitude supplémentaire majeure pour chaque médecin dans sa tentative de maîtriser la relation avec son patient. Dès lors, les stratégies médicales d'organisation et de réorganisation locale de la prise en charge peuvent s'analyser comme des tentatives de réduction de cette incertitude. Réciproquement, la relation au patient n'a pas pour seule fin la guérison mais constitue aussi un autre moyen de maîtriser cette incertitude et, consécutivement, d'améliorer les relations thérapeutiques futures : le patient est pour le médecin un moyen d'obtenir de l'information sur les comportements de ses pairs et un moyen d'échange pour entretenir des relations privilégiées avec certains d'entre eux. « J'ai un diplôme de chirurgien endovasculaire. Ce n'est pas pour faire comme Brejnev, pour avoir des médailles… Vous savez, en périphérie, on est très vulnérables. En CHU [centre hospitalier universitaire], ils peuvent faire une merde, il ne leur arrivera rien parce qu'ils sont CHU. Ici, parce qu'on est en périphérie, on est forcément des nuls. Alors que ce n'est pas vrai : il y a de tout. Il y a des dangers publics qui feraient mieux d'arrêter, mais il y a aussi des gens qui auraient pu être universitaires. Mais, pour le juge, on est forcément des nuls. Donc, on est obligés d'avoir des diplômes pour montrer : "J'ai fait ça, mais j'ai la compétence pour le faire." » (Entretien avec un chirurgien).