La légitimation par le droit ? Les défis du gouvernement de la famille en contexte musulman. Une comparaison Sénégal/Maroc

Abstract

La réforme du droit de la famille au Sénégal et au Maroc s’est révélée extrêmement sensible car elle impliquait pour l’État d’agir sur le domaine du privé, traditionnellement régi par des ordres normatifs (religieux et/ou coutumiers) concurrents. Cette étude comparative analyse les modalités par lesquelles ces États ont redéfini la norme familiale et l’effet de ces réformes sur l’ordre social, et ce afin de déterminer leur capacité à affirmer leur monopole sur la production juridique. Bien que se fondant sur des sources de légitimité différentes, les deux États ont opté pour une même redéfinition de la norme islamique, conforme au projet moderniste qu’ils portaient. L’étude de l’application de la loi révèle cependant le conservatisme de l’institution judiciaire et l’attitude de contournement des justiciables, signes de la résistance de ces sociétés. Si l’État s’impose dans son rôle d’arbitre du débat et de producteur du droit, la norme qu’il promeut ne bouleverse pas l’ordre social existant et invite à relativiser la rupture opérée par ces réformes qui traduisent finalement une volonté de composer avec le pluralisme normatif existant

Napoleonic Legacies, Postcolonial State Legitimation, and the Perpetual Myth of Non-Intervention: Family Code Reform and Gender Equality in Mali

“…The Code eliminated the husband’s status as the head of the family and the wife’s duty of obedience to her husband and instead introduced equal rights and duties for spouses (Zoglin, 2009: 970). Changes came later in countries like Senegal, where legislation introduced in 1972 recognised civil, customary, and religious marriages; maintained the husband’s status as the head of the family with paternal power; allowed polygyny but made monogamy ‘irrevocable’; required both spouses’ consent to marriage; and disallowed repudiation (N’Diaye, 2016: 46–47).…”

“…Following the failed ‘Algerian experiment’ with integrating the colony into the metropole (Labouret, 1940: 24–25), the French adopted a policy of ‘non-intervention’ in the family (N’Diaye, 2016: 42). Personal status matters were purportedly governed by religious and customary law (Wooten, 1993: 427) on the understanding that the French did not want to ‘disrupt family structures’ 5 (N’Diaye, 2016: 42).…”

“…Following the failed ‘Algerian experiment’ with integrating the colony into the metropole (Labouret, 1940: 24–25), the French adopted a policy of ‘non-intervention’ in the family (N’Diaye, 2016: 42). Personal status matters were purportedly governed by religious and customary law (Wooten, 1993: 427) on the understanding that the French did not want to ‘disrupt family structures’ 5 (N’Diaye, 2016: 42). Thus, the colonial administration perpetuated the same myth as the Napoleonic Code, namely, that colonial subjects enjoyed the same privilege as French family heads of managing their family affairs without government intervention.…”