L’adoption massive par les adolescents du réseau socionumérique Snapchat, construit autour de l’éphémérité des échanges, pourrait faire penser que les contenus et conversations amenés à disparaître garantiraient aux jeunes une plus grande liberté communicationnelle, en les affranchissant du caractère habituellement permanent de ce qu’ils choisissent de partager dans les espaces numériques. Cet article, qui repose sur une méthodologie qualitative, nuance ce constat et explore la tension entre, d’une part, l’adhésion des adolescents au fonctionnement atypique et très codifié de ce dispositif sociotechnique et, d’autre part, les stratégies qu’ils mettent en place pour garder le contrôle sur le caractère éphémère de leurs contenus. Il montre en particulier que si l’utilisation de Snapchat implique à la fois l’appropriation de divers procédés de gamification empruntés aux outils de mesure de soi et l’acceptation de la notification systématique du screening , les jeunes parviennent aussi à se détourner de ces contraintes et à dessiner eux-mêmes les contours du « bon usage » de l’outil.