médecine/sciences36 médecine/sciences 2014 ; 30 (hors série n° 2) : 36-40 > La médecine personnalisée est en plein essor. Elle tend à proposer une prise en charge médicale « sur mesure » pour des groupes de patients, voire des patients uniques, mais également à identifier des groupes à risques, permettant de mettre en place des stratégies de santé publique. Dans ce contexte, des phénomènes de radicalisation se font jour, conduisant à une médecine non plus personnalisée mais privatisée, pouvant entraîner une certaine captation de la ressource publique. Si la « privatisation » de la médecine ne se limite pas à produire des effets négatifs, reste que plusieurs écueils potentiellement dés-tabilisants pour les patients se font jour. D'une part, des éléments objectifs d'ajustement des prérequis scientifiques émergent des pratiques de la médecine personnalisée (essais cliniques, politiques de santé publique), ce qui bouleverse la relation médecins/patients ; d'autre part, de nouveaux risques émergent pour les patients concomitamment à leur demande de maîtrise de leur propre santé, sans que ces risques ne soient ni clairement identifiés, ni effectivement communiqués. Que les pratiques liées à la médecine privatisée se développent au sein du système de santé ou en dehors, les pouvoirs publics auront à prendre en compte ces nouvelles dimensions dans leur régulation. < Médecine personnalisée, médecine privatisée ?
Enjeux juridiques et de santé publiqueEmmanuelle Rial-Sebbag S'il est un malaise qui devrait être dissipé pour les juristes, et probablement pour d'autres, c'est bien celui de la définition de la médecine personnalisée. On comprend bien que la médecine personnalisée a quelque chose à voir avec la prise en charge « sur mesure » des patients (un patient ou un groupe de patients), en fonction des caractéristiques de leur profil biologique personnel (incluant leur profil génétique). De ces caractéristiques, peut-on en déduire que la médecine personnalisée est une nouvelle pratique nécessitant un encadrement particulier [1] ? En effet, pour le droit, la caractérisation d'un objet nouveau est déterminante pour en envisager la régulation. En d'autres mots, avant de proposer un nouvel encadrement pour une pratique, cette dernière doit démontrer, d'une part, son caractère innovant (cette pratique est-elle totalement nouvelle ?) et, d'autre part, l'impossibilité de réglementer cette nouvelle pratique par les instruments du droit déjà existants. Des chercheurs ont tenté de répondre à la question de la définition de la médecine personnalisée, notamment dans le champ des sciences humaines et sociales ; nous nous rallierons à leurs propositions pour les besoins de notre étude. La médecine personnalisée vise à améliorer la stratification et le déroulé des soins de santé, en utilisant des informations et des biomarqueurs biologiques de la maladie sur les plans moléculaire, génétique, protéo-mique et métabolomique [2]. Ainsi, elle tend à identifier des groupes de patients, voire des individus (par exemple dans le cas de thérap...