L'hébergement social : espaces violés, secrets gardés

Abstract

Résumé Les personnes prises en charge dans le cadre d’un centre d’hébergement ont un logement qui leur est attribué en vue de favoriser leur « réinsertion sociale ». Elles sont, là, soumises à des contrôles et des obligations. Leur intimité est sans cesse remise en question. Clarifiant ce qui caractérise cette intimité, nous montrerons que la perte du contrôle du regard d’autrui sur soi menace le territoire d’intimité, lieu sécurisant, qui permet à l’être social de se définir dans la permanence. Il est quotidiennement violé par l’intrusion des autres hébergés et des éducateurs. L’attitude des professionnels de l’intervention sociale (qui insistent par ailleurs sur la nécessité de « respecter la personne »), se trouve légitimée par la définition même du centre d’hébergement : une propriété sociale, bien collectif non appropriable par les particuliers. Dans cette orientation idéologique, il va de soi que la collectivité incarnée par les personnels a un droit de regard pour en contrôler l’usage.

The State of Emergency at Home

“…I explain how the intimate refers to a normative concept given that diff erent ways of life are historically classifi ed along gender and racial norms (Stoler 2010). I also defi ne its interactional dimension since the intimate relies on the ability to control the gaze of others (Laé and Proth 2002;Th alineau 2002). Finally, I explain how the intimate is embodied, that is to say, how it materializes through the body and its aff ects (Ahmed 2014).…”

“…In this context, the intimate refers to a social construct depending on the ability to control and choose what to hide from the gaze of others (Amiraux 2018;Th alineau 2002). Th e intimate "is undone when the other steals it.…”

Prendre place

“…Ça veut dire qu'il y a des femmes qui sont très, très éloignées de l'autonomie. (Thalineau, 2002), tout comme pouvait l'être le foyer en milieu ouvrier dont parlait Richard Hoggart (1970). Le centre de jour n'est donc pas seulement une scène (Goffman, 1973) où les femmes se construisent une façade, mais il devient une « coulisse » où elles peuvent finalement se relâcher corporellement et apparaître en tenue intime.…”

Le comité d’éthique, la vie privée et l’intimité. Interpréter les droits des usagers

“…Le privé et l'intime sont tantôt ce que l'on préserve du regard et du jugement des autres : la nudité et ses espaces réservés, la chambre à coucher et la toilette, là où le corps est lavé et soigné, là où se vivent les échanges amoureux (Thalineau, 2002;Street et Love, 2005); tantôt c'est ce que chacun garde pour soi : son monologue intérieur, ses secrets, ses émotions, ses souvenirs (Fabrégas, 2001). Ils renvoient aussi aux espaces et aux objets, extension du moi, dont la violation par l'intrusion ou le vol blesse la personne : la maison, le compte de banque, le journal intime (Thalineau, 2002). Parfois encore, ces notions dési-gnent ce qu'il y a de plus particulier dans les relations que l'on entretient avec un autre individu.…”