Le baccalauréat professionnel trente ans après sa création : de la marche forcée à la banalisation ?
Fabienne MaillardSociologue, professeur des universités, université Lille 3, Proféor-CIREL (Centre interuniversitaire de recherche sur l'éducation) Encore jeune dans l'offre de diplômes du ministère de l'Éducation nationale, puisqu'il a seulement trente ans, le bac pro a échappé, jusqu'en 2009, au mouvement constant de réorganisation qui affecte les diplômes professionnels de ce ministère, depuis leur origine (Brucy, 1998 ;Maillard, 2007). Son évolution apparaît en effet plutôt linéaire malgré toutes les critiques apportées à la politique éducative dans laquelle il a pris forme (conduire 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat en 2000), et à ses propres raisons d'être. Élément d'une réforme qui « a remodelé la morphologie du système scolaire » (Prost, 2011, p. 114), le bac pro a d'emblée été présenté comme une innovation par ceux qui l'ont institué… et comme un diplôme ambigu par la plupart des chercheurs qui s'y sont intéressés. Cette appréciation tient à des caractéristiques spécifiques qui le distinguent aussi bien des autres baccalauréats que des diplômes professionnels avec lesquels il cohabite : le CAP (Certificat d'aptitude professionnelle), le BEP (Brevet d'études professionnelles) et le BP (Brevet professionnel).Sa première particularité, et non des moindres, est d'être un baccalauréat dédié à l'insertion professionnelle. Si cette finalité a immédiatement été jugée difficilement compatible avec la définition du baccalauréat comme premier grade de l'enseignement supérieur, elle avait néanmoins pour objectif de désenclaver l'enseignement professionnel, alors réduit au « second cycle court » 1 , et de lui redonner les lettres de noblesse que son intégration dans le système scolaire, dans les années 1960, lui avait fait perdre. Deux autres traits en font un diplôme original : l'obligation, pour ceux qui le préparent, d'immersion dans les entreprises via des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) de plusieurs semaines, qui instituent « l'alternance sous statut scolaire », et l'évaluation par contrôle en cours de formation (CCF).C'est justement ce caractère innovant qu'interroge le dossier de Formation Emploi consacré au bac pro (1995), dix ans après sa naissance. À l'époque, la définition du diplôme, sa singularité et ses objectifs posent encore question. Le bac pro, qui s'est 1. Le CAP et le BEP relevant du niveau V et le BP n'étant pas accessible aux élèves mais seulement aux adultes et, depuis 1992, aux apprentis.