Internet et la culture de la gratuité

Abstract

L’idée d’une « culture de la gratuité » est fortement répandue chez les internautes aujourd’hui. D’où vient cette idée qu’Internet devrait être gratuit ? Une partie de la réponse réside dans ce qui a constitué la culture propre du réseau Internet dès ses origines : un credo libertaire partagé par des universitaires qui collaboraient avec des militaires mais aussi, et surtout, par les premiers hackers qui ont participé activement à l’imagination et la mise en place du Réseau. D’autres éléments de réponse proviennent du changement de régime des échanges sociaux provoqués par Internet : l’importance des échanges de biens immatériels fait apparaître les limites du droit de propriété intellectuelle lorsqu’il s’applique à l’univers numérique. Cette situation appelle l’invention de pistes alternatives à ces régimes de propriété. Le Web social serait peut-être aujourd’hui l’occasion d’étendre radicalement et significativement les pratiques du don dans un monde en réseaux.

Consumers’ neutralization strategies to counter normative pressure: The case of illegal downloading

“…The current debate opposes two groups of activists. On one side, the industry lobby and the authorities are attempting to legislate to strengthen the commercial aspect of Internet (Canivenc, 2008;Proulx and Goldenberg, 2010;Rheinghold, 2000Rheinghold, [1993; Zolla, 1998) and have developed a rhetorical discourse: without intellectual property there is no financial incentive for intellectual and cultural creation, so intellectual property rights are justified and illegal downloading is theft and is harmful to the community (Yung, 2009). Individuals who download illegally are stigmatized as deviant, 'pirates' or 'thieves' who threaten the culture industry (Denegri-Knott, 2004;Garcia-Bardidia et al, 2011;Lindgren and Linde, 2012;Proulx and Goldenberg, 2010).…”

“…On one side, the industry lobby and the authorities are attempting to legislate to strengthen the commercial aspect of Internet (Canivenc, 2008;Proulx and Goldenberg, 2010;Rheinghold, 2000Rheinghold, [1993; Zolla, 1998) and have developed a rhetorical discourse: without intellectual property there is no financial incentive for intellectual and cultural creation, so intellectual property rights are justified and illegal downloading is theft and is harmful to the community (Yung, 2009). Individuals who download illegally are stigmatized as deviant, 'pirates' or 'thieves' who threaten the culture industry (Denegri-Knott, 2004;Garcia-Bardidia et al, 2011;Lindgren and Linde, 2012;Proulx and Goldenberg, 2010). Opposing this group, the 'pirates' group defines itself as a collective that aims to change society and renew the foundations of the cultural economy by resisting the 'capitalist, commercial authorities' and abolishing intellectual property (Denegri-Knott, 2004, 2006Giesler, 2008;Garcia-Bardidia et al, 2011;Lindgren and Linde, 2012).…”

“…This movement has its origins in the libertarian beliefs of the academics who initiated the internet and of the first 'hackers'. It is founded on shared utopian messages: the decentralization of power and of control, antiauthoritarianism, the opening up of all technological possibilities, free and open access to culture as a fundamental right, critique of institutions, business and trading relations, and an imagined autonomous cyberspace as a place of freedom and sociability (Bardini and Proulx, 2000;Bergadaà, 2004;Breton, 2002;Denegri-Knott, 2004, 2006Flichy, 2001;Lindgren and Linde, 2012;Proulx and Goldenberg, 2010;Rheingold, 2000Rheingold, [1993; Zolla, 1998).…”

Les stratégies de neutralisation de la pression normative par les consommateurs : le cas du téléchargement illégal

“…La contestation actuelle oppose deux groupes d'activistes. D'un côté, le lobby industriel et les pouvoirs publics cherchent à se doter de lois pour renforcer la dimension marchande du web (Zolla, 1998 ;Rheinghold, 2000 ;Canivenc, 2008 ;Proulx et Goldenberg, 2010) et développent un discours rhétorique : sans propriété intellectuelle, il n'y pas d'incitation économique à la création intellectuelle et culturelle, le droit de propriété intellectuelle est donc justifié et le téléchargement illégal est du vol qui nuit à la communauté (Yung, 2009). Les individus qui téléchargent illégalement sont stigmatisés comme des déviants, « pirates » ou « voleurs », qui menaceraient l'industrie culturelle (Denegri-Knott, 2004 ;Proulx et Goldenberg, 2010 ;Garcia-Bardidia et al, 2011 ;Lindgren et Linde, 2012).…”

L'auteur au temps du numérique

“…C'est un fait aujourd'hui, Internet a profondément modifié les pratiques de consommations des contenus culturels, la régulation se doit à présent de mettre en place des moyens qui assurent que celles-ci n'entravent pas la création culturelle. De nombreuses propositions s'attachent au financement partagé de la création : soutien aux plates-formes légales, extension de la licence légale, contribution créative 67 , mécénat global, culture du don (Proulx et Goldenberg, 2010)… Il n'est pas ici le lieu de les discuter mais simplement de noter qu'elles reposent sur l'idée que le droit au partage et le droit à la culture doivent impliquer des contributions des lecteurs tout en se divisant sur les moyens et les formes de ces contributions ; elles sont confrontées à deux enjeux déterminants de la régulation : l'adaptation aux règles internationales (règles juridiques et règles du marché) et la fixation de justes contributions, à la fois des lecteurs, des auteurs et des intermédiaires. En d'autres termes, la clé de voûte du dispositif ne peut reposer sur la seule responsabilité de l'internaute.…”