Perplexes devant Perplex : cette attitude, préparée et même revendiquée par l'étonnant titre de cette pièce de 2010, peut renvoyer autant à l'expérience théâtrale qu'elle procure en nous entraînant dans une succession de situations dramatiques contradictoires mais aux transitions presque imperceptibles, qu'aux attentes que l'on pouvait avoir, à l'époque, en allant voir une pièce de Marius von Mayenburg : comment situer cette pièce aux allures de vaudeville absurde dans le paysage théâtral germanophone des années 1990-2010, caractérisé par des oppositions tranchées ? Cet étonnement prend en effet sens dans le contexte de crise du théâtre diagnostiquée en Allemagne depuis la chute du Mur et la réunification (1989)(1990), et symboliquement marquée par la mort d'Heiner Müller en 1995. Les années 1990 ont ainsi vu, dans un temps très ramassé, à la fois la théorisation d'une remise en cause radicale des paradigmes centraux du théâtre (narration, fable, temporalité, personnages, psychologie, « sens », etc.) dans ce que Hans-Thies Lehmann (2002[1999), dans son livre célèbre de 1999, nomme « théâtre post-dramatique », mais également la contestation de ce constat aux allures de nouvelle norme par une nouvelle génération qui semble « vouloir renouer avec [ces] catégories formelles que l'on avait peut-être rangées un peu trop rapidement au rayon des objets devenus inutilisables » (Béhague, 2006b, p. 336). C'est au tournant des années 2000 que les deux positions se sont le plus nettement affrontées, notamment dans des controverses entre Thomas Ostermeier et Hans-Thies Lehmann ou René Pollesch (Frei, 2006, p. 55-66).