Enseigner en lycée professionnel : les épreuves de l’entrée dans le métier

Abstract

Le lycée professionnel est une particularité du système éducatif français : on y prépare massivement, en milieu scolaire, des adolescents aux métiers d'ouvriers et d'employés qualifiés (Troger, 2003). A la rentrée 2019, 643 000 élèves y étaient ainsi scolarisés, ce qui représente 28% des lycéens 1 (DEPP, 2020a). Les professeurs titulaires 2 exerçant en lycée professionnel public sont, comme pour les autres secteurs de l'enseignement public, fonctionnaires de l'État. Mais ce même statut cache des réalités différentes. Leur contexte d'exercice et leurs missions spécifiques rendent globalement plus difficile la pratique du métier, et par conséquent aussi l'entrée dans le métier. Les élèves y sont majoritairement issus de classes populaires 3 , après une orientation souvent vécue comme un échec, et un travail important doit être fait par les équipes pédagogiques pour les remotiver (DEPP, 2019a, 2020a, Jellab, 2008. C'est aux difficultés de l'entrée dans le métier que nous nous intéressons dans cet article, ces « épreuves du feu » (Rayou et van Zanten, 2004) auxquelles sont confrontés les professeurs de lycée professionnel (notés PLP dans la suite du texte) lors de leurs débuts, en particulier lors de l'année de stage, quand ils commencent à prendre en charge des classes d'élèves tout en étant en formation universitaire. Nous proposons de les caractériser à partir de la littérature scientifique et d'une enquête par questionnaire auprès de 69 professeurs stagiaires. Nous nous demanderons si elles sont spécifiques à l'exercice du métier en lycée professionnel et aux caractéristiques de ces enseignants débutants. Nous analyserons en quoi elles questionnent la formation. Débuter dans l'enseignement : les épreuves de la confrontation au réelL'entrée dans le métier, analysée par les chercheurs qui se sont intéressés aux phases typiques de la carrière des enseignants (Huberman, 1989), est généralement marquée par une problématique de « survie », compensée et rendue tenable par l'enthousiasme de la « découverte ». Cette dimension de survie correspond à la confrontation au réel des situations professionnelles : tâtonnement continuel, souci de faire face, décalage entre idéaux et réalités quotidiennes du métier, fragmentation du travail, gestion de la classe et transmission de savoir menées de front, gestion de la distance dans la relation aux élèves. Dans le contexte français, l'entrée dans le métier se fait de manière très rapide, vécue comme un « basculement ». Elle est caractérisée par la prise en charge de classes d'élèves, seul, immédiatement après avoir été certifié par le concours essentiellement sur la base de la maîtrise des « savoirs savants » de la discipline (Deauviau, 2009), et donc sans « socialisation anticipatrice » au métier. Ce constat est à nuancer depuis que des stages d' « observation » et de « pratique accompagnée » sont organisés en première année de master MEEF (Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation), et via divers dispositifs de préprofessionnalisation dès la licence. Mais nombre...