Voilà plus d'un siècle que le cinéma s'intéresse au conte merveilleux. Ce phénomène s'inscrit dans un mouvement général évolutif qui n'est pas étranger à la nature même du conte. Y a-t-il genre littéraire plus ouvert et malléable ? Creuset de sources diverses, il se prête, dès l'origine, aux appropriations 1 , circulations et passages -d'un canal de communication (oral/écrit), d'un genre et d'un auteur à l'autre 2 , d'une époque, d'une aire géographique 3 et d'une sphère culturelle à l'autre. Issu d'emprunts à la tradition orale (elle-même pétrie de littérature médiévale), à la mythologie gréco-romaine 4 , à la Bible 5 , à la littérature italienne, aux fables, romans et nouvelles, le conte de fées littéraire français, après avoir acquis à la fin du XVII e siècle la forme que nous lui connaissons aujourd'hui, s'est montré naturellement ouvert aux migrations transtextuelles et transgénériques dont il est lui-même le produit. Comme l'a écrit Walter Benjamin, « l'art de raconter des histoires est toujours l'art de reprendre celles qu'on a entendues, et celui-ci se perd, dès lors que les histoires ne sont plus conservées en mémoire 6 ».
2Né en même temps que l'opéra 7 , il a immédiatement cultivé avec le théâtre contemporain un « dialogue intertextuel 8 » dont, d'un côté les spectacles de foire 9 , de l'autre les Contes des fées de Mme d'Aulnoy (1697-1698) ont pu les premiers témoigner. Certes, la réécriture est alors pratique courante et n'est pas réservée aux auteurs de contes : en attestent, entre autres, les Fables de La Fontaine et les oeuvres dramatiques de Corneille et de Racine, auteurs qui se plaisaient à remettre sur le métier les oeuvres antiques valorisées par les partisans des Anciens. Le conte de fées ayant pénétré depuis quelques décennies à la cour et dans les salons où l'on en racontait, l'effervescence suscitée par le grand débat esthétique -la Querelle des Anciens et des Modernes -sur Introduction : les contes classiques au cinéma Féeries, 18 | 2022