« Discerner ce qui est de l’auteur » : Une querelle de l’autorité à la naissance des Pensées

Abstract

La déception que ressentirent les proches de Pascal à la découverte des fragments auxquels la postérité donne le nom de Pensées est connue : ces notes griffonnées, raturées et inachevées parurent d’abord tout à fait impropres à la publication, du moins selon le témoignage d’Étienne Périer, neveu de l’écrivain. L’on se résolut cependant à en faire un livre, et c’est au cours du travail d’édition que s’éleva entre la famille du défunt et le cercle de ses amis ce que j’appellerai ici une «querelle de l’autorité » , laquelle prit une tournure fort paradoxale. Le clan familial estimait en effet les fragments retrouvés tout à fait indignes de leur vénéré défunt, et pourtant, il exigea qu’ils fussent publiés dans l’état de leur découverte. L’autre camp, dans lequel on comptait le duc de Roannez, mais aussi Antoine Arnauld et Pierre Nicole, jugea le texte avec beaucoup plus d’indulgence, voire d’enthousiasme, mais pensa absolument nécessaire de le réviser considérablement, sans redouter pour autant de mettre en péril la figure auctoriale. Je m’emploie, dans cet article, à éclairer tant les manifestations que les raisons de ce clivage, qui compliqua sérieusement la confection des Pensées de M. Pascal sur la religion, et sur quelques autres sujets.