Décrypter la concurrence humanitaire : le conflit entre Croix-Rouge(s) après 1918

Abstract

Résumé Fin 1918, le CICR est loué de toutes parts pour son action en faveur des prisonniers de la Grande Guerre. Au même moment est fondée la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge, censée promouvoir un humanitaire moderne, focalisé sur les activités de secours et de prévention en temps de paix. Entre ces deux institutions charitables s’engage une lutte parfois féroce, dont les débuts font l’objet de cet article. Au-delà des péripéties de cet affrontement, il entend aborder une question bien plus vaste, celle des rapports de concurrence subtils et variés qui peuvent se développer entre des organismes se destinant à soulager la souffrance des victimes.

Internationalismes éducatifs entre débats et combats (fin du 19e - premier 20e siècle)

“…Quelques jours après l'annonce de l'entrée en guerre, le Bulletin du BIE annonce la création du SAIP et déclare que « face au fléau destructeur de la guerre, l'institution [le BIE] se donne une mission d'ordre humanitaire » et que « l'éducation demeure la force positive qui, pendant comme après les hostilités, contribuera à relever les ruines morales accumulées » 6 . S'inspirant de diverses initiatives mises en place lors de la Première Guerre mondiale, autrement dit munis de l'expérience genevoise, qui constitue « un précieux savoir-faire humanitaire » (Herrmann, 2012), notamment au travers du Comité international de la Croix-Rouge internationale (CICR), les acteurs du BIE vont exploiter des liens déjà mis en place lors de la précédente guerre 7 . Il s'agit pour le BIE de collaborer étroitement avec l'Agence centrale des prisonniers de guerre, organe dirigé par le CICR et légitimé à centraliser à Genève une grande partie des informations concernant les prisonniers pendant la guerre.…”

To inform or govern? 150 years of the International Review of the Red Cross, 1869–2019

“…Relations between the ICRC and the League quickly soured. 145 The ICRC was far from happy at the idea of a new organization stepping on its toes by taking over the programme of peacetime humanitarian activities that it had proposed to the National Societies. 146 The League, for its part, saw the ICRC as having become obsolete in view of the challenges that followed the First World War.…”