Depuis les années 1990, la dimension olfactive de l'art contemporain, souvent tributaire des technologies permettant la production et la diffusion des odeurs, n'a cessé de s'affirmer. Or, en dépit de son inscription manifeste dans l'actualité, l'art olfactif contemporain entre en résonnance avec plusieurs fictions de la période fin-de-siècle, dont les auteurs ont formulé l'idée d'un rapport au parfum qui dépasse son caractère utile ou agréable pour placer l'olfaction au coeur d'une expérience esthétique. Dans À rebours par exemple, Huysmans évoque les expériences menées par un esthète convaincu du potentiel artistique du parfum. Si la diffusion des compositions produites est ici réalisée par des vaporisateurs (dont l'invention date environ de 1825) et par des éventails, d'autres fictions convoquent des techniques imaginaires, voire anticipatives. Elles envisagent alors non seulement la possibilité d'un art olfactif, mais aussi les moyens de sa mise en oeuvre. Ainsi, dans L'Ève future, le personnage d'Edison mis en scène par Villiers de L'Isle-Adam présente de façon très détaillée les procédés techniques grâce auxquels son Andréide exhale une odeur caractéristique captée à partir du corps d'une femme bien réelle. L'attention portée à la dimension médiatique de la culture olfactive révèle ainsi l'enracinement de l'art olfactif dans une histoire bien plus ancienne et établit un pont entre deux fins de siècles.